FAQ 2023 · Intelligence artificielle, culture d’apprentissage et productivité 🙋♀️
learnability #48
Bonjour à tou·te·s 👋
Vous êtes désormais 2556 à suivre cette newsletter toutes les deux semaines, dont plus d’une centaine depuis la dernière édition. Une conséquence probable de mes récents posts sur LinkedIn ou au lancement du Learning Design Club.
Si vous me découvrez, j’en dis un peu plus sur moi et mes activités par ici. Que vous soyez là depuis le début ou que vous veniez d’arriver, merci à tou·te·s de me lire 🙏
Je suis rentré de Montréal après deux semaines de retraite d’écriture qui se sont – évidemment ! – transformées en un mélange de périodes d’écriture, de sessions sur des projets client·e·s, de travail sur l’ouverture du Learning Design Club – vous êtes 563 à l’heure où j’écris cet édito 😱 –, de séances de running, de promenades en bixi et de pauses à base d’affogato.
J’avais espéré passer 17 jours consécutifs, coupé du monde, focalisé sur l’écriture du livre. Ça a été impossible. Ce séjour m’a permis de comprendre que j’étais incapable de me consacrer à une seule tâche pendant autant de temps. J’ai besoin de mener plusieurs activités en parallèle. Et soigneusement organisées, chacune me donne plus d’énergie pour la suivante.
Cela explique d’ailleurs la genèse de mes publications sur LinkedIn : j’avais besoin d’écrire dans un format court et ciblé pour ensuite mieux me focaliser sur l’écriture d’un format long comme le livre.
C’est un apprentissage personnel important : comprendre que je dois multiplier les activités pour mieux développer chacune d’entre elles, même si cela prend plus de temps.
Quoi qu’il en soit, cette édition est un peu spéciale parce qu’elle marque le début de la troisième année de learnability 🎉 Et pour l’occasion, j’ai accepté de répondre à vos questions sur l’innovation pédagogique et le futur de l’apprentissage. C’est la FAQ annuelle de cette newsletter !
Comme d’habitude, je vous partage en fin d’édition mes recommandations du moment pour inspirer vos pratiques pédagogiques.
Bonne lecture,
Nicolas.
✊ L’article de cette semaine est – principalement – écrit au féminin. Pour rappel, si j’opte pour l’écriture inclusive dans mon édito et dans les ressources, j’ai choisi qu’un article sur deux serait écrit au féminin. L’idée est de simplifier la lecture, tout en conservant des considérations sociales et politiques qui me sont chères.
⏱️ TEMPS DE LECTURE : 15 MINUTES
Dans la dernière édition, je vous ai proposé de me poser toutes vos questions à propos de la conception d'expériences d'apprentissage, l’innovation pédagogique, le monde de la formation ou le futur de l’apprentissage.
J’ai reçu un peu plus de 50 questions ! Merci pour votre intérêt.
Au final, j’en ai sélectionné 10 sur des sujets récurrents ou généralisables à l’ensemble du lectorat. Ça parle d’intelligence artificielle, de culture d’apprentissage dans les entreprises, du coût de la formation, des outils de conception, de mes principes de productivité ou de mes usages de ChatGPT.
Si votre question n’a pas eu de réponse, renvoyez-la moi par e-mail (vu que c’était anonyme) ! J’assurerai le service après-vente de cette FAQ. Promis.
📌 Avant-propos : ce sont mes réponses à la date du 5 septembre 2023, et elles sont temporaires. Mes idées, mes réflexions et mes pratiques continuent d’évoluer au fil du temps.
1️⃣ Quelle est ta vision du futur de l'apprentissage en lien avec l’intelligence artificielle, et surtout les IA génératives ?
On commence cette FAQ par une sacrée question.
Ma vision actuelle, c’est de ne pas développer de vision sur le sujet 🙃
Tout me paraît encore trop instable et peu prédictible.
Au-delà des scientifiques et ingénieures qui travaillent sur ces sujets – et encore… –, je pense que peu de personnes ont une réelle capacité à comprendre et prévoir les développements à venir de l’intelligence artificielle. Dès lors, celles capables d’anticiper les effets sur la société sont encore moins nombreuses. Et envisager la manière dont cela affectera différents domaines, comme ceux de l’enseignement et de la formation, relève de la pure spéculation.
Bref, c’est à mon sens impossible de se doter d’une réelle vision à l’heure actuelle, et le faire amènerait à s’enfermer dans certaines croyances et à analyser les évolutions avec des œillères.
J’essaie plutôt de développer une posture par rapport à l’intelligence artificielle, comme vis-à-vis de toute innovation, qui tient en trois grandes actions :
S’informer. Une importante partie de mon temps de “veille scientifique” est aujourd’hui dédiée à l’intelligence artificielle : suivre ses évolutions techniques et les implications philosophiques, comprendre les modèles de développement sous-jacents, observer ses usages dans le monde de l’enseignement et de la formation, analyser ses impacts dans d’autres domaines, etc.
Explorer. Utiliser un maximum l’intelligence artificielle au quotidien sur des tâches réelles pour en découvrir les tenants et aboutissants, comprendre les manières optimales d’interagir avec elle, mesurer la façon dont elle transforme certaines activités, etc. Cela me paraît essentiel de mettre les mains dans le cambouis, même en se trompant, pour développer son regard critique.
Partager. Au regard de son importance, c’est devenu l’un de mes sujets de conversation favori, même dans les discussions du quotidien. J’aime découvrir les usages d’autres personnes, échanger sur les expérimentations, partager mes apprentissages, etc.
2️⃣ Je suis ingénieur pédagogique dans l'enseignement supérieur et j'aimerais sensibiliser les enseignants sur l'IA de manière ludique et sans prise de tête. Est-ce possible ?
Oui, et tout dépend de l’objectif visé : est-ce que vous souhaitez les sensibiliser aux enjeux de l’IA en général ? À son usage en tant qu’outil pédagogique ? Aux pratiques que peuvent mettre en œuvre les étudiantes ?
Un point d’attention sera de bien aligner votre ou vos objectif(s) pédagogique(s) avec les attentes et résultats envisagés par les participantes, car la thématique est large. Vous pourriez souhaiter leur montrer comment l’intelligence artificielle peut soutenir leur pratique enseignante (création de plans de cours, de quiz, etc.) alors que leur principale attente est de concevoir des évaluations qui ne peuvent pas être résolues avec l’IA.
Vu l’intérêt global sur le sujet, cela ne devrait pas être difficile d’attirer un public d’enseignantes. C’est d’ailleurs l’un des aspects intéressant avec l’IA à l’heure actuelle pour toute techno-pédagogue : utiliser ce sujet comme cheval de troie pour amener les enseignantes à parler de pédagogie, à réfléchir sur leurs cours et à envisager les pratiques d’apprentissage de leurs étudiantes. C’est une belle opportunité à saisir pour ouvrir le dialogue !
Si j’étais à votre place, je commencerais par interroger quelques enseignantes pour connaître leur perception et expériences actuelles de l’intelligence artificielle, leurs questionnements / obstacles / problèmes sur ses usages à des fins d’enseignement et d’apprentissage ainsi que leurs aspirations quant à son utilisation. Comme je l’écrivais dans cette édition, cela vous donnera des pistes pour le design de votre expérience d’apprentissage.
L’avantage de cette thématique, c’est qu’il est facile de créer une approche expérientielle dont je suis plutôt friand. J’ajouterai aussi une démarche de pédagogie par “projet” : expliquer aux enseignantes qu’il s’agit d’une formation à travers laquelle elles vont directement travailler à l’amélioration de vos cours. L’idée est de leur proposer d’expérimenter, concevoir et tester des approches pédagogiques comme des outils numériques qu’elles pourront, ensuite, mettre en œuvre dans leurs séances de cours.
Le découpage d’une telle session pourrait être le suivant :
En fonction de vos objectifs et du contenu, leur demander de faire une activité / expérience directement sur un ou plusieurs outils d’intelligence artificielle (Exemple : ChatGPT, Dall-E, MidJoyrney, etc.). Si c’est possible, privilégier une démarche dite “isomorphe” : permettre aux participantes de vivre des expériences / méthodes pédagogiques diversifiées avec l’IA dans une position “d’apprenante” en les amenant ensuite à se projeter dans une posture de “formatrice” / “enseignante”.
Les amener à porter un regard réflexif sur l’activité, tant en analysant le processus (ce qu’elles ont fait / ce que l’IA a répondu / etc.), le produit (ce que l’IA a généré) et les implications (qu’est-ce que cela peut changer dans l’acte pédagogique ?). Cela peut être mené d’abord individuellement et ensuite en sous-groupes.
Une phase de généralisation, avec un apport – théorique, pratique, etc. – de votre part et une conceptualisation. Si possible, le recours à des études de cas, voire de réels partages de pratiques d’autres enseignantes peut aider à donner une vision concrète des applications possibles. Et de ma propre expérience, il n’y a rien de plus efficace qu’une enseignante qui explique ce qu’elle fait à une autre enseignante.
Une étape de réflexion et d’intégration sur la manière de mettre en œuvre certaines actions dans ses propres cours. J’aime, dans cette phase, avoir une logique de “prototypage” : amener les enseignantes à fabriquer une ou de plusieurs séquence(s) sous la forme d’un prototype, d’ébauche qui pourra être testée en formation assez rapidement.
📌 Ma réponse reste assez générique sans connaître la situation exacte.
3️⃣ Quels sont les outils les plus adéquats pour créer du contenu pédagogique ? Que penses-tu, par exemple, de Genially ?
Un avant-propos pour cette réponse : dans une logique d’empowerment, je défends et promeus une approche d’apprendre à faire plutôt que de faire à la place de. En ce sens, je privilégie toujours la montée en compétences pédagonumériques des expertes contenu ou des formatrices que de faire à leur place.
Dès lors, j’ai une approche “agnostique” des outils de conception : les plus adéquats sont ceux qui correspondent aux besoins et compétences du public cible – de formatrices, de créatrices pédagogiques ou d’enseignantes.
Et donc, tout dépend du contexte. Pour partager un exemple actuel, j’anime ce jeudi une journée de formation de découverte du digital learning pour un public de formatrices novices dans le domaine, elles travaillent toutes dans différentes associations.
Pour ce faire, j’ai développé un micro-parcours en ligne en utilisant uniquement des outils simples et gratuits (Notion, Tally, Padlet, AnswerGarden, etc.) afin qu’elles vivent cette expérience en tant qu’apprenantes et qu’elles puissent ensuite se ré-approprier ces outils en tant que formatrices. Proposer une plateforme LMS plus complexe ou des outils de conception plus riches n’aurait pas de sens par rapport à leur réalité de terrain.
Toutefois, parce qu’il faut bien se mouiller… S’il n’y avait qu’un outil à retenir, je choisirais H5P. C’est une solution open source qui permet aux formatrices de créer une très grande variété de ressources et d’activités : images cliquables, vidéos interactives, différentes formes d’évaluation, présentations multimédias (intégrant ressources et quiz) comme Genialy, etc.
L’outil possède deux autres avantages : les activités se conçoivent toutes de la même manière, ce qui rend la courbe d’apprentissage assez rapide, et H5P s’intègre déjà dans de nombreuses plateformes. Et ce que je préfère avec H5P, c’est sa capacité à pousser très loin les possibilités de rétroaction dans les activités d’évaluation – en fonction de l’exactitude de la réponse, du score global, du parcours de l’apprenante, etc.
J’utilise et détourne aussi beaucoup Wooclap, tant pour des activités synchrones qu’asynchrones, mais je suis en train de vous préparer une édition sur le sujet.
Pour revenir à Genially, j’avoue que je l’utilise peu, mais j’observe son expansion dans le monde de l’enseignement et de la formation, avec de beaux exemples de présentations interactives ou d’escape game. J’ai juste une crainte d’enfermement dans les possibilités de l’outil… 🤷♂️
4️⃣ Comment convaincre une CEO que les méthodes traditionnelles de formation ne sont plus adaptées au monde d'aujourd'hui et que nous sommes passés d’une culture du training à une culture du learning ? Comment réagir aujourd'hui à des articles tels que celui-ci ?
Proposer une conférence de Nicolas Roland ? 🫣
Plus sérieusement, la question comporte deux sujets : celui de l’évolution des pratiques de formation, et celui de la nécessité de (faire) développer de nouvelles compétences.
Concernant les pratiques, tout dépend de son niveau de conscience du changement de paradigme et de son ouverture à ces sujets.
Pour certaines dirigeantes, la simple prise de connaissance de rapports chiffrés, comme ce récent rapport de la société Degreed, sur les évolutions des pratiques de formation permet de les sensibiliser au sujet et d’entamer une discussion sur la culture interne. J’avais notamment reçu de nombreuses réactions et questions lors de la publication de l’édition 24 “La formation (professionnelle) est morte”. Un des rapports que j’apprécie particulièrement sur le sujet est celui que Fabernovel a produit il y a quelques années : “The Future of Corporate Learning”. Il donne des chiffres, offre des apports théoriques et montre comment cela se déroule dans certaines entreprises.
Ces différents rapports permettent de décrypter les changements en cours, de donner de la perspective en objectivant les changements à l’œuvre et d’inspirer par les pratiques d’autres institutions.
Pour d’autres personnes – ou en compléments des rapports –, je propose une démarche d’exploration de l’expérience apprenante : découvrir comment se forment et souhaiteraient se former les collaboratrices de l’entreprise pour mieux penser le futur de l’apprentissage interne.
Le défi devient alors : comment convaincre une CEO de mener une démarche d’analyse de l’expérience apprenante ? Je vous partage brièvement la technique que je déploie avec chacune des personnes qui demande un accompagnement à Caféine.Studio :
Réunissez les parties prenantes, en physique ou en visio-conférence.
Proposez-leur de remplir individuellement une carte d’empathie de l’expérience d’apprentissage de la collaboratrice-type (point 1 de l’article de cette édition) ou de concevoir individuellement un proto-persona de la collaboratrice-type (dernier outil disponible dans cette édition).
Habituellement, je constate que 50% des personnes avouent qu’elles ne sont pas en mesure de faire l’exercice, et l’autre moitié obtient des descriptions particulièrement contrastées. Bref, personne n’est capable de décrire l’expérience apprenante, et tout le monde se dit implicitement que ce serait tout de même bien d’avoir plus d’information.
Proposer une démarche d’analyse de l’expérience apprenante.
Sur le sujet du développement de nouvelles compétences, je l’écrivais aussi dans cette édition 24 : les rythmes d’innovation s’accélèrent dans les entreprises (comme dans le monde en général) et les compétences doivent être renouvelées en cours de carrière et tout au long de la vie. La fameuse “learnability”, ou compétence à apprendre, devient alors essentielle. Pourquoi ? Car il n’est plus possible, aujourd’hui, de suivre une formation initiale et d’utiliser ces compétences tout au long de sa carrière.
À nouveau, une approche combinant veille scientifique – que disent les rapports ? – et analyse propre à son entreprise me semble la meilleure combinaison pour continuer à renouveler les compétences de ses collaboratrices.
5️⃣ L'entreprise a-t-elle conscience du coût de l'apprentissage – formel, informel, continu, dilué, sporadique, etc. ? Faut-il qu’elle en soit consciente ? Pourquoi ?
Au regard de ma réponse à la question précédente : oui, elle doit être consciente, mais les entreprises ne le sont malheureusement pas assez.
Sans une réelle prise de conscience, la culture d’apprentissage ne sera pas valorisée dans l’entreprise : la formation sera vue comme un coût par les participantes comme par leurs responsables, ce qui nuira à l’engagement, aux apprentissages et au transfert sur le terrain. Au-delà de la formation, les actions d’apprentissage plus informel – aide à un collègue, rétrospective d’équipe, compagnonnage, etc. – resteront marginales, car non reconnues ni valorisées, même si elles se révèlent très efficaces.
À mon sens, plus qu’une prise de conscience du coût de l’apprentissage, les institutions – publiques comme privées – doivent se transformer en organisations apprenantes au sein desquelles l’apprentissage est favorisé, diffusé et ancré de manière systémique.
6️⃣ J’aimerais avoir ton avis sur une situation : quand le public à former est un groupe hétérogène (en termes de compétences et de diversité sociale) et que toutes les participantes ne peuvent pas être présentes à tous les modules de formation, comment organiser celle-ci en travaillant avec les plus assidues et en accompagnant les plus “fragilisées” ?
Malgré un peu plus de contexte disponible dans la version originale de la question, il est difficile d’y répondre en donnant quelques solutions clés en main.
Comme pour d’autres réponses, je préconise, si possible, une meilleure compréhension du vécu des participantes, de leurs motifs d’engagement, des raisons de leur absence, de leur capacité à suivre des contenus en asynchrone tant en termes de compétences méthodologiques (sont-elles capables d’apprendre en autonomie ? De réguler leurs apprentissages ?) que de compétences techniques (ont-elles le matériel nécessaire ? Ont-elles les compétences pour apprendre avec des contenus multimédias ?).
À travers une meilleure définition des “problèmes”, des pistes de solutions pourront émerger.
Pour inspiration, voici quelques pistes déployées dans d’autres projets :
Utiliser un questionnaire de positionnement sur la matière de la formation afin de cibler les modules prioritaires pour chaque participante. Cela vous permettra de mieux connaître votre public, et de conseiller à chaque participante des modules prioritaires et d’autres facultatifs. Cela devrait renforcer leur intérêt pour les modules traitant des compétences qu’elles maîtrisent moins – et donc favoriser leur présence. Vous pouvez aussi utiliser ce questionnaire pour mieux réguler la présence des participantes et proposer les modules en présentiel aux participantes qui en ont le plus besoin.
Privilégier des contenus qui peuvent également être consultés de manière asynchrone avec des périodes – si possible en présentiel – d’accompagnement / suivi des apprentissages, de questions-réponses ou de tutorat.
Travailler sur les motifs d’engagement et les leviers de motivation comme le fait Ibrahim Ouassari chez MolenGeek.
Accompagner le travail asynchrone en ligne – sur des contenus multimédias par exemple – d’un document écrit / carnet de l’apprenante qui fournit des consignes, guide sur l’usage du parcours en ligne et aide à la régulation des apprentissages.
7️⃣ Après avoir écouté ce podcast et les concepts qui y sont développés, je me demande si on ne devrait pas les transposer au monde de la formation. L’idée serait de passer d’un système qui recherche “l’efficacité des formations” à une meilleure “robustesse des formations”, c’est-à-dire donner les moyens aux participants d’augmenter leur capacité d’adaptation – seuil minimal de compétence, sentiment d’efficacité personnelle, etc. – sans nécessairement chercher à tout leur transmettre. Qu’en penses-tu ?
J’ai beaucoup apprécié cet épisode ainsi que les propos et exemples d’Olivier Hamant qui sont très éclairants sur la capacité à faire mieux sans chercher à toujours faire plus.
Le concept de robustesse est très intéressant, mais, sans entrer dans les détails, je lui préfère celui d’antifragilité développé par Nassim Nicholas Taleb. Comme il l’exprime, “l'antifragilité est au-delà de la résilience et de la robustesse. Le résilient résiste aux chocs et reste le même ; l'antifragile s'améliore.”
Au-delà de cet aspect conceptuel, je suis entièrement aligné avec cette proposition.
L’un des meilleurs exemples dans mes activités est l’accompagnement du projet Slalom – une plateforme de formation aux soft skills pour les ouvriers décrit dans cette édition.
Son objectif n’est pas de former tous les ouvriers à toutes les compétences personnelles (ou soft skills) à travers une ou plusieurs journées de formation après lesquelles on pourrait attester – ou non – de leur efficacité. Le but est de proposer une approche plus adaptée et ciblée pour le développement de ces compétences.
En faisant cela de manière plus douce – avec une recherche d’efficacité moindre à court terme –, nous visons un meilleur sentiment d’efficacité personnelle, un meilleur engagement vis-à-vis des contenus, une meilleure adaptation dans le contexte professionnel et un meilleur transfert dans leurs pratiques quotidiennes.
🎧 Prenez toutes et tous 40 minutes pour écouter le podcast, il en vaut la peine ! Et il vous fera réfléchir aux transpositions dans le monde de la formation.
8️⃣ Comment arrives-tu à mener tous tes projets de front, tout en continuant à te former, à te développer et à courir 10 kilomètres par jour ? Pourrais-tu nous partager ton “top 10” des règles que tu te fixes pour travailler de manière efficace, en profondeur et avec sérénité ?
J’ai mixé deux questions, mais il devait y en avoir près de 10 qui traitaient plus ou moins de ce sujet.
J’ai gardé la seconde, car elle proposait une approche intéressante : se contenter d’un top 10 des principes. C’est parti !
Nouvel avant-propos important en quelques points :
Je ne suis pas infaillible : je vis des moments de doute, de stress, de perte de productivité, etc.
Mon statut d’indépendant me laisse probablement une plus grande liberté d’organisation de mon temps.
Ma compagne est en séjour à l’étranger en 2023, ce qui me laisse plus de temps pour expérimenter certaines choses.
Je n’ai pas d’enfant qui puisse rendre mes expérimentations plus chaotiques.
Je n’ai aucune prétention à dire que “ma manière de faire est la bonne”. Elle fonctionne, pour l’instant, pour moi.
1. Organiser ma vie dans mon agenda. En m’inspirant de cet article de Paul Graham, mon temps se décompose en deux grandes périodes pré-définies dans mon agenda : celles dites de “Manager” durant lesquelles je concentre les rendez-vous, les moments d’ateliers, les tâches liées à la gestion de Caféine.Studio, les interactions avec d’autres freelances, etc. C’est aussi dans ces périodes “Manager” que je planifie mon temps pour toutes mes activités. Même mes périodes de lunch, mes sessions de sports, mes trajets ou mes temps sociaux sont indiqués dans mon agenda. Ensuite, des périodes dites “Maker”, dédiées aux tâches créatives, aux sessions de travail en profondeur ou à des activités de design pédagogique. Durant ces périodes, je ne remets pas en question le planning, j’exécute. Les premières sont concentrées sur trois à quatre après-midi par semaine, alors que les secondes occupent le reste du temps. Je donnais d’autres principes d’organisation dans l’édition #16.
2. Travailler en sprints. Sur une journée, j’enchaîne plusieurs séries de sprints de 60 minutes (6 à 7 en moyenne). Durant un sprint, je travaille sans distraction sur une tâche, ou un lot de tâches. En sortie de sprint, je prends une pause de 15 minutes pour marcher, prendre un café ou respirer. Ensuite, j’entame un nouveau sprint.
3. Varier les tâches dans la journée. Je l’écrivais dans l’édito, la variété des tâches – ne pas lire “faire du multitâche” ! – me convient parfaitement. Je dépasse rarement deux à trois sprints sur une même tâche durant une même journée.
4. Travailler en profondeur. Lors d’un sprint, je bloque toutes les notifications – de mon ordinateur et de mon téléphone – et je m’empêche d’aller sur les réseaux sociaux ou d’autres sites addictifs – au départ, j’utilisais Flow pour m’aider, mais j’en ai de moins en moins besoin. Mon téléphone se trouve dans une autre pièce, et les deux seules actions qui déclenchent une vibration sur ma montre connectée sont un appel téléphonique ou un message client sur un espace particulier du logiciel que nous utilisons pour collaborer (uniquement pour les “urgences”).
5. Prioriser (et protéger) les activités qui ressourcent. Les relations sociales, le sport et la lecture sont trois des activités qui me ressourcent le plus et me donnent de l’énergie. Elles sont placées en priorité dans mon agenda, et sauf cas de force majeure, elles ne peuvent être supprimées – même si elles sont parfois déplacées dans la journée.
6. Ne pas chercher la perfection. Je dois vous l’avouer : j’avais sélectionné 12 questions pour cette FAQ. J’aurais pu y répondre au détriment d’une autre tâche planifiée. J’ai choisi de ne répondre qu’à 10 questions dans les 3 sprints de ce lundi dédiés à la rédaction de cette newsletter. Et si vous le remarquez, cette newsletter n’a pas été publiée à 11 heures pile… Personne n’est parfait, et c’est bien normal !
7. Dormir (au minimum) 8 heures par nuit. Aucune concession sur le sommeil pour un projet ou une activité, j’essaie de dormir 8 à 9 heures par nuit. Et si ce n’est pas le cas (parce que ça arrive tout de même), je me force à me réveiller à la même heure – entre 6:30 et 6:45. Parfois, je fais tout de même des grasses matinées 😏
8. Choisir et designer son environnement de travail. En fonction des tâches à réaliser, je choisis mon espace de travail : mon bureau, mon salon, un café particulier ou mon espace de coworking. Je veille aussi à garder mon espace de travail – physique comme numérique – propre et organisé.
9. Prendre soin de moi. Au-delà du sport déjà évoqué – je cours tous les jours et essaie de faire un peu de renforcement / musculation –, d’une meilleure gestion du sommeil, je fais de plus en plus attention à mon alimentation. J’ai commencé le jeûne intermittent, j’ai arrêté de boire de l’alcool, je limite (drastiquement et difficilement) le sucre, je gère mieux mes apports en macronutriments et je prends des compléments alimentaires ainsi que des probiotiques. Pour les curieuses, ce sont ceux de chez Heights dont j’avais entendu du bien et dont je suis satisfait après plusieurs mois d’utilisation. Parmi les effets constatés (est-ce un placebo ?), plus d’énergie et une meilleure capacité à me concentrer. Si cela vous intéresse, vous bénéficiez de -20% en utilisant ce lien. J’ai aussi observé que toutes ces actions liées à mon alimentation avaient un impact très positif sur les symptômes d’une maladie inflammatoire – une rectocolite ulcéro-hémorragique – que je traîne depuis mes 20 ans.
10. Prendre le temps de se détendre. Le défi sur des projets comme ceux que je mène, c’est d’arriver à se dire qu’il faut arrêter et surtout de ne pas culpabiliser de le faire – notamment par rapport au livre sur lequel je me dis que je peux toujours y travailler. Pour cela, les séances de sport le matin (la course) et le soir (le renforcement / la musculation) m’offre des sas de début et de fin de journée, et me permettent ensuite de me détendre pleinement.
J’aurais pu vous parler de tout un tas d’autres pratiques, mais ce sont celles-ci qui me sont venues en premier lieu.
9️⃣ Tu as dit dans un épisode de CQLP que ChatGPT était devenu un incontournable au quotidien pour toi. Peux-tu nous en dire plus ?
Effectivement, j’utilise énormément ChatGPT depuis plusieurs mois, à la fois pour de l’exploration comme je l’expliquais en réponse à la première question et de plus en plus pour m’épauler au quotidien.
Pour tout vous avouer, j’ai même arrêté, en juillet dernier, de collaborer avec une assistante à cause de mon usage de l’outil. Elle m’aidait dans des tâches de recherche et curation d’informations, d’idéation pour différents projets, d’appui à la création de contenu, etc. Différentes tâches que je réalise aujourd’hui grâce à ChatGPT.
L’une des illustrations récentes est le travail à propos du titre de mon livre.
J’ai utilisé ChatGPT pour les tâches suivantes et plus ou moins dans cet ordre :
Lister les titres des livres non-fiction les plus vendus dans le monde (en anglais et en français).
Lister les titres des livres non-fiction les plus vendus en francophonie (en anglais et en français).
Analyser ces titres pour en sortir des principes de conception / d’écriture.
Analyser les sous-titres pour en sortir des principes de conception / d’écriture.
Créer une grille de conception de titre avec une série de critères.
Adapter la grille à mon tone of voice.
Utiliser cette grille pour générer des titres de livres sur la base d’un court pitch de mon livre.
Utiliser cette grille pour générer des titres de livres sur la base de la note d’intention de mon livre.
Utiliser cette grille pour analyser mes idées de titre.
Analyser les titres proposés par la communauté.
Analyser les commentaires sur les titres proposés dans le sondage.
À partir des différents résultats et des commentaires de l’éditeur, générer de nouvelles propositions de titre.
Tout cela a été réalisé en 2 heures, alors que mon assistante – tout comme moi – aurait probablement déjà mis deux heures pour accomplir les trois premières tâches.
L’avantage, c’est que je gère directement les instructions, que je peux fournir des rétroactions rapidement et que je gagne moi-même en expertise – plutôt que de déléguer.
Aujourd’hui, j’utilise ChatGPT et d’autres intelligences artificielles au quotidien sur des activités comme :
de la recherche / documentation (en combinaison avec Elicit) : comparaison de résultats, résumés de littérature, base documentaire sur un sujet, etc.
l’analyse : résumés d’ateliers, analyse d’entretiens, comparaison entre différentes sources de données, etc.
le prototypage : création de faux texte lié à la thématique, proposition de contenus, rédaction de landing page, etc.
l’idéation : brainstorming sur des sujets d’articles – pour la newsletter ou LinkedIn –, création de titre ou d’une accroche sur la base du contenu d’un article, création de tweets associés, etc.
la rédaction : premier jet de certains contenus, reformulation d’idées, traduction de contenu, etc.
diverses tâches plus personnelles, comme la planification d’un road trip à travers le Québec.
Sur des projets clients, une autre illustration est liée à la communication de Slalom, plateforme pour laquelle nous devons produire des affiches sur les nouveaux contenus diffusés chaque semaine. Dans ce cadre, ChatGPT analyse chaque article que nous produisons, propose sur cette base des slogans et MidJourney réalise ensuite les visuels des affiches.
Pour un article sur le développement de la capacité à déléguer, ChatGPT a proposé le slogan “Ne jouez plus au super-héros. Déléguez !” et MidJourney a généré ce visuel. Le tout en +/- 5 minutes.
🔟 Quelle est ta stack d’outils ?
J’ai un article en préparation sur le sujet, mais une liste non exhaustive est déjà disponible dans l’édition 32 · Mes outils essentiels en tant que learning designer.
🤖 Vidéo · 49 minutes pour tout comprendre à ChatGPT [FR]
Après une première vidéo sur les bases de MidJourney et une autre sur les bases de Notion, Theo Marechal réitère et vous propose de découvrir TOUT ce qu'il faut savoir sur ChatGPT. Si vous hésitez encore à vous lancer, c’est la vidéo qu’il vous faut pour être guidé·e pas à pas : installation de ChatGPT, approche de rédaction des prompts, usage des segments, sélection de plug-ins, etc. Un tutoriel de prise en main complet condensé en 50 minutes !
🦾 Article · Le guide pour enseigner avec ChatGPT [ENG]
Si vous êtes enseignant·e et que vous commencez à utiliser ChatGPT, gardez celle-ci sous la main. OpenAI, l’entreprise qui développe ChatGPT, vient de sortir ce guide pour vous ! L’article propose des cas d’usages pour vous inspirer, des exemples de prompts adaptés au contexte scolaire – pour créer un plan de cours, créer des explications, des exemples et des analogies efficaces ou encore aider les élèves – ainsi qu’une foire aux questions spécifique à l’enseignement.
📹 Vidéos · 30 tutoriels sur l’usage de Moodle 4 [FR]
Plusieurs institutions d’enseignement supérieur ont profité de la période estivale pour passer à Moodle 4, l’une des dernières mises à jour majeure de la plateforme d’apprentissage. Au programme : une navigation simplifiée, un nouvel index de cours, une meilleure gestion du suivi et de l’encadrement des apprenant·e·s ainsi que des améliorations dans diverses activités. Pour aider ses enseignant·e·s à prendre en main cette nouvelle version, le Centre de Soutien à l’Enseignement de l’Université de Lausanne a réalisé 30 tutoriels en vidéo. C’est accessible à tou·te·s ! À utiliser pour découvrir la plateforme ou pour vous inspirer dans la création de vos propres tutoriels.
📕 Livre · L’UX Design en théorie en pratique ! [FR]
Si vous avez déjà une petite expérience de déploiement d’une démarche de design d’expérience utilisateur·rice dans votre institution – ou auprès de client·e·s –, ce livre devrait vous intéresser ! Il dresse 40 problématiques récurrentes dans la mise en œuvre de telles approches : flou autour de l’UX Design, difficultés d’implication des décideurs·euses, incapacité à réaliser les recherches utilisateurs·rices, problèmes d’organisation et d’animation d’ateliers de co-conception, etc. Chaque fiche apporte des clés de compréhension à la lumière des neurosciences, de la psychologie sociale et de la sociologie des organisations, et propose des solutions concrètes. Une lecture idéale pour vous soutenir dans votre démarche de terrain !
📩 Article · 6 excellents exemples d'e-mails pour recruter des utilisateurs·rices [ENG]
Contacter des utilisateurs·rices pour une phase de recherche, que ce soit pour un entretien ou soumettre un questionnaire, n’est jamais simple : comment écrire un bon message ? Comment réussir à les engager s’ils/elles n’ont rien à y gagner ? Comment expliquer simplement la démarche ? Dans cet article, Rosie Hoggmascall a analysé les e-mails de recrutement de plusieurs entreprises – Notion, Typeform, Strava, GoDaddy, etc. – pour décrypter comment celles-ci incitaient leurs utilisateurs·rices à donner leur avis et remplir leurs enquêtes. Format des e-mails, accroches, arguments utilisés, incitants, etc. Une mine d’inspiration pour rédiger vos propres messages à adresser à vos apprenant·e·s ! Et ça fonctionne aussi pour les enquêtes de satisfaction post-formation !
Si vous lisez cette édition dans votre boîte e-mail, cette application est pour vous !
Substack, l’outil que j’utilise pour vous écrire, dispose d’une application (iOS et Android) qui vous offrira une meilleure expérience de lecture.
Elle vous permet de désencombrer votre boîte e-mail des newsletters – envoyées via Substack – que vous suivez. En d’autres termes, vous disposerez d’un lieu central pour lire ces éditions (et celles d’autres excellent·e·s auteurs·rices comme Alexandra, Christiane ou David) sans qu’elles soient perdues au milieu de vos messages professionnels – car Substack arrêtera de vous envoyer les éditions par e-mail.
En complément, vous disposerez d’une série de petites fonctionnalités pour une meilleure lecture : suivi des nouvelles parutions, sauvegarde des articles favoris, pourcentage de lecture de chaque édition, etc.
L’application offre aussi des fonctionnalités que j’aimerais tester avec vous, dont Notes. Cette partie de l’application me permettrait de vous partager du contenu court exclusif, des citations d’autres newsletters ou des idées. Une sorte de Twitter intégré à Substack.
Si vous utilisez déjà l’application Substack ou que vous l’installez suite à cette recommandation, likez ce post (si vous êtes dans Substack) ou répondez-moi par e-mail ! En fonction du nombre de personnes, je verrai ce qui peut s’organiser à travers Notes.
Merci Nico ! Comme toujours j'ai ouvert plein d'onglets, j'ai eu une foule d'idées et j'ai sauvegardé plein de ressources pour plus tard.
Merci Nicolas, j'ai adoré tes réponses sur la question 7 et 8 ! Je vais les relire et essayer de les appliquer à mon quotidien. Top !