Créer des formations en présentiel qui donnent envie de participer, et surtout d’apprendre 👩🏫
learnability #50
Bonjour à tou·te·s 👋
J’espère que vous allez bien et que vous profitez de la douceur de ce début d’automne.
Je dois vous avouer quelque chose… Après neuf mois de travail sur le livre, j’ai décidé de recommencer à zéro.
J’avais plutôt bien avancé. J’allais lancer la phase de relecture avec les membres de la communauté de lecteurs·rices. Sauf qu’il y a trois semaines, j’ai eu une sorte de révélation à propos de la structure du livre et de la trame du livre. J’en ai discuté avec une, deux, cinq, dix personnes. Ensuite avec les membres de la communauté. Et tout le monde – quasi sans exception – a jugé que la nouvelle approche du livre était plus pertinente pour les lecteurs·trices, plus cohérente par rapport aux contenus et plus adaptée à qui je suis.
J’ai pris quelques jours de réflexion, tout en dessinant les contours du nouveau projet. Ça m’a convaincu que c’était pour un mieux, et donné un réel élan de motivation – alors que je vivais certains blocages dans l’écriture vis-à-vis du projet initial. J’ai alors décidé de reculer pour mieux sauter, de recommencer à zéro pour faire un livre de meilleure qualité. Plus précisément, je suis revenu à la première étape : construire une nouvelle table des matières. Je l’ai présentée à mon éditrice, elle l’a validée et nous avons décidé d’avancer dans ce sens en définissant un nouveau calendrier.
Même si cela prend plus de temps, la petite communauté de lecteurs·rices continue à me suivre dans ce projet, à alimenter l’ouvrage avec des idées ainsi que des feedbacks et se prépare à relire les premiers – nouveaux – chapitres dès le mois de décembre.
D’ailleurs, au regard des évolutions du projet et de la communauté en elle-même, j’ai décidé d’ouvrir à nouveau ses portes pour permettre à des personnes intéressées – vous ? – de nous rejoindre après un premier batch en fin d’année 2022. Aujourd’hui, s’il y a des activités asynchrones et des sessions de travail en ligne autour du livre, c’est aussi une vingtaine de personnes d'un peu partout dans le monde francophone pour se connecter, échanger et apprendre ensemble autour de l'innovation pédagogique et du futur de l'apprentissage.
Si cela vous intéresse et que vous êtes prêt·e à consacrer entre 2 et 6 heures de votre temps par mois pour faire avancer le livre ainsi que pour vous développer en échangeant avec d’autres diverses sujets de pédagogie, n’hésitez pas à remplir le formulaire. Je vous recontacterai ensuite pour vous présenter la communauté plus en détail et sélectionner une dizaine de personnes. Merci d’avance pour votre intérêt 🙏
Après toutes ces péripéties, j’ai la chance de m’envoler demain pour plusieurs semaines au Canada en combinant, cette fois-ci, vacances et travail. J’aurai notamment l’occasion de visiter le Québec (Gaspésie et Saguenay), le Nouveau-Brunswick (juste pour le passage), la Nouvelle-Ecosse (Halifax et ses environs) et l’Île du Cap Breton. J’ai réellement hâte de souffler après presque plus d’une année sans réel temps “off” !
Avant de partir, j’ai eu envie de questionner votre rapport aux formations en présentiel et à la manière de les faire vivre à vos participant·e·s. Entre analyse de ce qu’il se passe dans les salles de formation, questionnements réflexifs et partage d’expérience, j’espère que cet article vous plaira ! Comme d’habitude, partagez-moi vos réflexions, votre vécu ou vos questionnements en réponse à cet e-mail.
✊ L’article de cette semaine est – principalement – écrit au féminin. Pour rappel, si j’opte pour l’écriture inclusive dans mon édito et dans les ressources, j’ai choisi qu’un article sur deux serait écrit au féminin. L’idée est de simplifier la lecture, tout en conservant des considérations sociales et politiques qui me sont chères.
⏱️ Temps de lecture : 16 minutes
J’ai envie de commencer cet article par une question un peu provocatrice : quel est l’intérêt pour les apprenantes de se former en présentiel – ou salle de classe – plutôt que par l’intermédiaire d’une autre modalité ?
À la suite de la pandémie de COVID-19 et d’un enseignement à distance d’urgence, le monde de l’enseignement et de la formation n’aspirait qu’à une chose : un retour au présentiel “comme avant” avec des élèves dans les classes, des étudiantes dans les amphithéâtres et des participantes dans les salles de formation.
Pourtant, les résultats des dernières enquêtes montrent que la formation traditionnelle en présentiel – ou le fait d’être présent physiquement – a de moins en moins d’intérêt pour les apprenantes, que ce soit dans l’enseignement supérieur ou dans la formation professionnelle.
À l’université, une bonne partie des étudiantes qui ont découvert de nouvelles façons de vivre des enseignements lors de la pandémie : les cours en comodal, à distance synchrone (session sur Teams ou Zoom) ou à distance asynchrone (parcours en ligne à suivre en autonomie), etc. Dès lors, une partie d’entre elles privilégie ces modalités au fait d’assister aux cours magistraux en présentiel. Par contre, elles continuent de préférer les sessions en présentiel pour les travaux pratiques ou dirigés.
De manière générale, on observe aussi deux autres tendances : d’une part, une augmentation d’étudiantes qui travaillent pour subvenir à leurs besoins, ce qui les empêche de suivre des cours. D’autre part, l’individualisation des parcours d’apprentissage qui crée des contraintes horaires – chevauchement de cours – qui amènent les étudiantes à privilégier un cours au détriment des autres.
Dans la formation professionnelle, la dernière enquête de Degreed montre que “participer à des conférences, des cours, des programmes de formation en présentiel” est la modalité la moins fréquemment utilisée pour se former rapidement afin d’être plus performant au travail. En priorité, les apprenantes vont choisir de se former entre pairs, de regarder des vidéos, de lire des articles en ligne ou des livres, d’utiliser des applications d’apprentissage en ligne.
La formation en présentiel reste privilégiée pour acquérir des compétences à long terme, mais elle est maintenant concurrencée par une série d’autres modalités. Toutefois, les travailleuses tout comme leurs responsables préfèrent de plus en plus éviter de s’absenter une ou plusieurs journées, “juste pour se former”.
J’en reviens donc à ma question initiale : “Quel est l’intérêt pour des apprenantes de suivre une formation en présentiel – ou salle de classe ?”.
Si je vous avais posé la question avant mars 2020, vous m’auriez probablement répondu : “Parce qu’on a toujours fait comme cela !”, ou au mieux “Parce que c’est la meilleure modalité pour une rencontre entre la formatrice et ses apprenantes”.
La pandémie et ses conséquences ont remis en question cette dimension que l’on tenait pour acquise depuis toujours. Si bien qu’aujourd’hui, les formatrices de l’enseignement – supérieur – comme du monde professionnel sont confrontées à deux défis avant même celui d’enseigner : réussir à attirer les apprenantes à leurs cours et parvenir à capter leur attention. En effet, les obligations comme les distractions se disputent toujours plus le temps des potentielles participantes, et surtout de nouvelles modalités concurrencent directement ce sacro-saint présentiel.
Alors, cette semaine, j’ai eu envie de vous partager une série de réflexions sur la manière de penser, de communiquer et de faire vivre l’enseignement et la formation en présentiel.
Prêt·e à remettre en question vos préconceptions sur le présentiel et à envisager de concevoir des séances donnent envie de participer, et surtout d’apprendre ? On y va !
Pourquoi être en présentiel ?
Qu’est-ce que le présentiel et la présence ?
Avant de réfléchir au sens du présentiel, il me paraît important de le redéfinir par rapport aux autres modalités de formation, et aussi de le distinguer de la notion de présence. C’est le moment un peu théorique de l’article, mais ça permet d’être sûr qu’on se comprenne toutes.
La formation en présentiel – dont je parle dans cet article – est une modalité à travers laquelle la ou les formatrices sont réunies dans un même espace physique avec les apprenantes. Cette modalité s’envisage de manière synchrone, car toutes les participantes doivent être présentes au même moment.
À côté de cette modalité, il y a la formation en distanciel qui peut, elle, être envisagée selon deux temporalités : l’une synchrone et l’autre asynchrone.
Dans le premier cas, en synchrone, formatrices et apprenantes se réunissent en ligne au même moment et interagissent en temps réel, par un système de discussion écrite ou par visioconférence – ou classe virtuelle. Celle-ci est souvent privilégiée pour réunir les apprenantes et la formatrice à distance pour une session de classe en ligne – sur Zoom, Teams, BigBlueButton, etc. Elle garde bien souvent les codes du présentiel tout en utilisant les atouts du numérique pour dynamiser la session et créer des interactions.
Dans le second cas, en asynchrone, la formatrice propose des ressources pédagogiques, des exercices ou des activités à ses apprenantes qui peuvent y accéder quand elles le souhaitent. Ce travail de consultation peut être individuel et autonome (permettant à chacune d’appréhender la matière à son rythme), mais cette modalité offre également des possibilités d’interaction (à travers des forums ou des systèmes d’échange de messages), de production de contenus collaboratifs (par le biais d’un Wiki ou d’un document partagé), etc.
Il existe aussi deux manières de combiner ces modalités : l’hybride et le comodal.
D’une part, la formation hybride vise à combiner des moments d’enseignement ou d’apprentissage en présentiel associés à des moments d’enseignement et d’apprentissage en distanciel. L’un des exemples phares de cette formation hybride est la classe inversée, lors de laquelle les activités d’enseignement se font en distanciel asynchrone “à la maison” et les activités d’apprentissage se font en présentiel “en classe”.
D’autre part, la formation comodale associe, elle aussi, le présentiel et le distanciel, mais de manière synchrone. Concrètement, une formation va se dérouler dans une salle de classe avec une partie des apprenantes alors que l’autre partie d’entre elles sera à distance. Le rôle de la formatrice est alors de réussir à engager tant les participantes en présentiel qu’en distanciel.
Dans cet article, je vais uniquement porter ma réflexion sur le sens, l’intérêt et la manière d’engagement en présentiel.
De manière complémentaire, je vous propose aussi de distinguer les notions de “présentiel” et de “présence”. Une apprenante peut être “présente” physiquement “en présentiel”, mais “absente” cognitivement, car elle répond à ses e-mails, navigue sur les réseaux sociaux ou travaille sur un projet pendant la formation en présentiel. Et à l’inverse, une apprenante peut être “en distanciel”, mais bien “présente” lors de la formation à travers des interactions verbales ou dans le chat, une prise de notes active, etc.
Bref, présentiel ne veut pas dire présence cognitive des participantes… Et il suffit de s’asseoir dans le fond d’un amphithéâtre ou d’une salle de formation pour le constater.
Quel est le sens du présentiel ?
Plutôt que d’utiliser le présentiel comme une modalité par défaut pour enseigner et former, je vous invite à vous poser intentionnellement deux questions :
Pourquoi proposer du présentiel à mes apprenantes ?
Comment utiliser au mieux ce temps de réunion physique ?
La question n’est pas si vite répondue… Et c’est normal.
Demandez-vous si le présentiel est essentiel dans l’expérience d’apprentissage que vous proposez à vos apprenantes, et dans l’affirmative, pourquoi.
En posant la question à une série d’enseignantes et de formatrices, j’observe souvent qu’au-delà du “on a toujours fait comme cela”, le sens et l’intérêt du présentiel sont largement différents pour chacune d’elles.
Cela démontre deux choses :
La nécessité pour chaque formatrice de définir son rapport au présentiel, c’est-à-dire les raisons qui justifient l’intérêt de se réunir physiquement ainsi que les comportements attendus de la part de ses participantes.
La nécessité de communiquer ce rapport au présentiel aux apprenantes pour qu’elles puissent se l’approprier.
D’ailleurs, ce rapport au présentiel n’est pas propre à une personne, mais plutôt à un cours ou une formation. En d’autres termes, votre rapport peut être différent en fonction de la formation que vous proposez à vos apprenantes.
De manière générale, l’intérêt du présentiel se justifie dans la combinaison de deux dimensions :
La présence de la formatrice offre une réelle plus-value, soit à travers les activités qu’elle propose – explication de concepts difficiles, suivi de projet, application de concepts théoriques à la pratique, étude de cas, activités permettant un apprentissage en profondeur, etc. –, soit par les interactions qu’elle offre – questions/réponses, retour d’information, préparation aux examens, etc.
La présence des autres participantes offre une plus-value, notamment pour réaliser des travaux de groupe ou des projets d'apprentissage collaboratif, pour faciliter les échanges entre pairs et le retour d'information, pour permettre aux apprenantes de se familiariser avec le travail des autres, etc.
Si le présentiel ne répond pas à ces dimensions, c’est peut-être que la formation et ses activités auraient peut-être plus de sens à travers une autre modalité. Par exemple, une session en présentiel où la formatrice présente son contenu avec un diaporama pourrait se transformer en une activité asynchrone, comme une lecture ou une série de petits vidéos à regarder – qui permettent à chacune de s’approprier la matière à son rythme –, avant un moment synchrone à distance, voire de présentiel pour des questions-réponses et d’application des connaissances.
En résumé, il est important de définir son rapport au présentiel, d’y trouver un réel intérêt et de le communiquer aux apprenantes. Si pas, il ne faut pas hésiter à envisager une autre modalité… Même si cela peut sembler contre-intuitif.
La présence ne doit plus être une “modalité par défaut”.
Communiquer sur l’intérêt du présentiel
Après avoir défini le sens du présentiel tout en développant son intérêt, il est important de le communiquer aux apprenantes avec deux objectifs principaux : expliciter le rôle du présentiel et ensuite le vendre.
L’explicitation est essentielle, car si d’apparence rien ne ressemble plus à une formation en présentiel qu’une autre formation en présentiel, deux sessions ne possèdent nécessairement pas les mêmes objectifs – vu que chaque enseignante définit son propre sens –, et ne demandent pas aux apprenantes le même niveau de participation.
Il ne s’agit pas juste d’être “en classe” ou “en salle de formation”. Dites aux participantes pourquoi se réunir en présentiel a de l’intérêt, quel sens cette modalité a pour vous et surtout ce que vous attendez d’elles pendant la session : la participation, la prise de notes, l’interaction, etc.
Faire le “marketing” du présentiel est tout aussi important – même si je ne vais pas me faire des amies avec cette phrase. Si vous souhaitez que des participantes viennent au présentiel – si elles ont la possibilité de ne pas venir – ou l’appréhendent positivement – si elles sont obligées –, il est important de faire en sorte que l’expérience en classe soit quelque chose qu’elles ne veulent pas manquer. Et pour cela, communiquer est clé – c’est en ce sens que j’utilise le terme “marketing”. Il s’agit de définir les plus-values du présentiel, de présenter les activités qui seront proposées ou encore les bénéfices pour elles d’assister aux séances.
Dans ce cadre, je vous partage deux outils que vous pouvez utiliser pour expliciter le sens du présentiel et en faire le marketing :
Le contrat pédagogique qui présente les engagements de la formatrice comme de ses participantes pour que la formation se déroule au mieux et que les apprenantes atteignent les apprentissages visés. Ce contrat peut être rédigé, présenté et discuté avec les participantes ou directement co-construit avec elles. Au sein de ce contrat, vous pouvez définir le rôle du présentiel ainsi que vos attentes vis-à-vis des apprenantes. L’idée est qu’il soit une ressource partagée et respectée par tout le monde en clarifiant les responsabilités de chacune dans le processus d’enseignement-apprentissage.
Le plan de cours permet de décrire et de planifier un cours ou une formation de manière détaillée. Il offre aux participantes la possibilité d’en découvrir les tenants et aboutissants, de connaître les activités et ressources, de cerner les exigences attendues et de planifier adéquatement leur démarche d’apprentissage. Elles peuvent consulter ce document en amont d’une formation ou s’y référer pendant celle-ci. Ce plan de cours permet d’expliciter le rôle et l’importance du présentiel par rapport aux autres supports, voire modalités de votre cours. Je vous partage les extraits d’un plan de cours d’un enseignant qui explicitait aux étudiantes les activités du cours, les supports ainsi que l’usage de ces supports et activités.
Dans le cadre du certificat “Enseigner dans le supérieur avec le numérique”, j’animais un parcours hybride : pour expliciter le sens des différentes modalités et motiver les participantes à venir au présentiel, je faisais une vidéo au début de chaque module pour présenter le module et expliciter le sens du présentiel par rapport aux activités.
Créer des formations engageantes
Comme l’expliquent Rob Fitzpatrick et Devin Hunt, au début d’un cours ou d’une formation, vos participantes vous accordent le bénéfice du doute. Vous avez leur bonne volonté, elles vous font confiance et vous êtes crédible. Toutefois, vous devez considérer la bonne volonté comme une ressource consommable (et renouvelable) :
Vous perdez de la sympathie chaque fois que vous obligez vos participantes à vivre des moments ennuyeux (comme une longue introduction) ou à participer à des exercices de faible valeur (comme un brise-glace hors sujet).
Vous gagnez de la sympathie chaque fois que vous apportez des contenus pertinents ou faites des activités qui ont du sens pour elles.
Pour garder cette bonne volonté tout au long d’une formation, garder l’attention de vos participantes et susciter leur engagement, il y a trois éléments principaux qui seront à la base de la conception de votre expérience en présentiel :
Le profil des participantes, et notamment leurs motifs d’engagement.
Les résultats d’apprentissage qu’ils devront atteindre.
Votre contexte de formation, et notamment l’horaire que vous avez – avec la marge de manœuvre possible sur celui-ci, ou non.
Ces trois aspects vous permettront de choisir :
Les contenus ; ce sont les savoirs, savoir-faire et savoir-être à développer pour atteindre les résultats d’apprentissage.
La ou les stratégies de formation ; ce sont les activités et ressources que vous allez mobiliser pour atteindre les résultats d’apprentissage.
La ou les stratégies d’évaluation ; ce sont les manières de vous assurer que vos participantes ont atteint les résultats d’apprentissage.
Ce travail de mise en cohérence de ces différentes dimensions est particulièrement bien explicité dans l’ouvrage “Design pédagogique” de Jacques Lanarès, Marc Laperrouza et Emmanuel Sylvestre. Les auteurs vous proposent également un canevas pour vous aider dans cette mise en cohérence.
Dans cet article, je souhaite surtout vous partager six conseils pour garder cette bonne volonté tout au long d’une formation ou d’un cours, soutenir l’attention de vos participantes, susciter leur engagement et ainsi favoriser leurs apprentissages.
1️⃣ Structurer sa séance
Pour réussir le déroulement d’une séance, il y a un modèle simple que j’aime particulièrement : celui des “5 E” partagé par Jean-François Parmentier et Quentin Vincens dans leur ouvrage “Enseigner et former” – qui est d’ailleurs la prochaine lecture du Learning Design Club.
Chaque E amène à une participation active des apprenantes.
Vous pouvez utiliser ce modèle pour structurer votre prochaine séance de formation, ou, comme ils le proposent dans leur livre, l’utiliser comme outil réflexif pour analyser l’une de vos séances :
Engagement : avez-vous stimulé la curiosité de vos apprenantes, afin qu’elles prennent conscience de leurs connaissances préalables par rapport aux thématiques que vous vous apprêtez à leur faire apprendre ?
Exploration : vos apprenantes ont-elles fait face à leurs préconceptions, dans un contexte qui leur permette d'entrevoir de nouvelles possibilités ? Il est possible de le faire à travers une activité qui les amène à utiliser leurs compétences actuelles pour résoudre un problème, ou simplement par le biais d’un quiz.
Explication : lorsque vous avez présenté de la nouvelle matière ou travaillé au développement de leurs compétences, avez-vous pris le temps de donner la possibilité aux apprenantes de l'expliquer par elles-mêmes, avant de répondre à leurs questions et confusions ?
Élaboration : avez-vous proposé à vos apprenantes d’appliquer les savoirs, savoir-faire et savoir-être partagés dans la phase précédente à travers un exercice, une résolution de problème, une étude de cas, etc. ? Comment avez-vous guidé vos apprenantes dans la mise en application de ce nouveau concept qu'ils viennent d'apprendre ?
Évaluation : avez-vous donné à vos apprenantes l'opportunité d'évaluer leur propre niveau de compréhension ? Leur avez-vous proposé de tester les nouvelles compétences acquises ?
2️⃣ Varier les formats et les activités
Les formats d’enseignement ou de formation sont les grandes stratégies pédagogiques que vous pouvez mobiliser : exposé magistral, discussion en petit groupe, questions-réponses, etc. Ces formats contiennent chacun des activités. La discussion en sous-groupes peut s’appuyer sur une activité de brainstorming, une autre de résolution de problème ou encore une étude de cas.
Mon objectif n’est pas de vous présenter les différents formats ou activités, mais plutôt de vous proposer deux règles fondamentales :
Les formats et activités doivent correspondre à vos objectifs d’apprentissage, à la manière dont vous comptez évaluer vos participantes et à ce que vous êtes en train d’enseigner.
En règle générale, veillez à varier le format toutes les 20 minutes, sauf si une activité nécessite plus de temps. Toutefois, évitez le mono-format de la plupart des formations.
3️⃣ Faire des pauses
Il n’y a pas de réel consensus scientifique sur la capacité moyenne d’un être humain – et encore plus d’une apprenante – à rester concentré.
John Stuart et R.J.D. Rutherford ont montré que la concentration d’étudiantes universitaires augmentait fortement pour atteindre un maximum en 10 à 15 minutes, puis diminuait régulièrement par la suite. Diane Bunce a quant à elle mis en évidence que, durant un cours, les étudiantes passaient de phases d’attention à des phases d’inattention.
Dans tous les cas, l’attention d’une apprenante varie en fonction de la complexité du contenu, de sa pertinence pour elle-même, de la façon dont l’environnement stimule ou non sa concentration.
Au-delà de la variété des formats évoquée juste avant – qui permet notamment de changer le rythme et surtout de s’immerger dans des activités nécessitant des niveaux d’attention différents –, la gestion des pauses est également une composante essentielle pour maintenir l’engagement des participantes.
Par défaut, les enseignantes et formatrices ont l’habitude de :
Faire une pause de 10 minutes après 1 heure si la séance compte 2 heures.
Faire une pause de 15 minutes après 1 heure 30 si la séance compte 3 heures.
Pensez vos pauses en fonction de vos formats et activités, ainsi que de la période de la journée. Il m’arrive ainsi de faire une pause de 10 minutes après seulement 30 minutes de session, car je sais que l’activité qui sera proposée juste après sera coûteuse en termes de concentration. J’ai aussi l’habitude de proposer des pauses toutes les 45 minutes les après-midi lors de sessions d’une journée.
4️⃣ Repenser l’usage du diaporama
On en avait fait notre premier épisode de “C’est quand la pause ?” : dans la majorité des cas, concevoir un diaporama prend beaucoup trop de temps et n’atteint que très rarement son objectif. En formation professionnelle comme à l’université, ils sont trop souvent utilisés comme support d’apprentissage – qui sera diffusé suite à la séance aux apprenantes – plutôt que comme support de présentation – pour soutenir les propos durant la session.
Pourtant, les diaporamas peuvent être un outil à votre service tout comme au service de l’engagement des participantes.
Pour vous, le diaporama peut vous aider à garder le cap, à ne pas oublier de points importants, à soutenir l’organisation d’activités ou d’exercices et à vous rappeler de faire des pauses.
Pour les participantes, le diaporama clarifie les principaux points à retenir, leur rappelle les instructions des exercices, réduit le stress lié à la prise de notes, etc.
Tout le reste n'est qu'accessoire. L'erreur classique est de mettre tout ce que vous avez l'intention de dire dans votre diaporama, qui vous incite ensuite à raconter le contenu de vos diapositives à l'auditoire. Ce support doit vous guider et vous soutenir, et non dicter chaque phrase qui sort de votre bouche.
Dans cette optique, votre diaporama ne doit pas être votre prompteur. Je vous recommande de commencer par créer le nombre minimum de diapositives essentielles en vous concentrant avant tout sur ce qui guide l’attention des participantes, soutient leur appropriation de la matière et les engage dans la réflexion.
5️⃣ Soutenir les apprentissages
Tout apprentissage ne repose pas que sur la formatrice. Les participantes ont évidemment un rôle central dans le développement de leurs propres compétences. Toutefois, vous pouvez utiliser le présentiel pour offrir à vos participantes un recul réflexif sur leurs pratiques d’apprentissage ainsi que pour les conseiller dans la manière d'appréhender l’atteinte des objectifs de votre cours.
Je vous partage six facettes de l’apprentissage, tirées de l’excellent livre “Apprendre à apprendre”, sur lesquelles vous pouvez soutenir vos participantes :
Leur motivation : comment s’engager et persévérer dans leurs apprentissages ?
L’organisation : comment mieux s’organiser et planifier leurs apprentissages dans le temps par rapport à vos activités et ressources ?
L’attention : que faire pour rester concentré pour apprendre, malgré les multiples distracteurs ?
Les stratégies actives d’apprentissage : quelles méthodes efficaces adopter pour apprendre durablement dans votre formation ?
L’apprentissage en interaction : sous quelles conditions apprendre à plusieurs peut s’avérer bénéfique ?
La métacognition : comment les apprenantes peuvent-elles réguler consciemment leurs apprentissages et s’améliorer en continu ?
Je ne peux que vous recommander la lecture de cet ouvrage pour envisager des pistes sur lesquelles accompagner vos apprenantes à mieux apprendre.
6️⃣ Favoriser les interactions entre pairs
Comme je l’écrivais dès la première édition, l’interaction entre pairs est l’un des ingrédients essentiels de l’apprentissage. Profitez du présentiel et de la présence physique de vos participantes pour les amener à interagir entre elles. Cela donnera du sens et de l’intérêt à vos séances.
Je vous partage quelques idées :
Amener les participantes à partager leurs expériences, visions et connaissances par rapport à un problème vécu.
Amener les apprenantes à partager leurs avancées et leurs pratiques pour réaliser les activités : proposez à vos étudiantes de partager leur état d’avancement, leurs pratiques de travail ou encore leurs trucs et astuces.
Proposer des activités d’apprentissage collaboratif : en travaillant à plusieurs, les participantes pourront comparer leurs processus de travail, se soutenir dans les activités et partager leurs problèmes. Cette approche devrait permettre aux apprenantes rencontrant plus de difficultés d’internaliser peu à peu les pratiques des autres.
Organiser les initiatives d’entraide entre les apprenantes : répondre à des questions d’autres participantes, faire des démonstrations de certains outils, etc.
C’est tout pour cet article 🙌
J’espère qu’il vous aura amené à réfléchir sur la manière de penser, de communiquer et de faire vivre l’enseignement et la formation en présentiel.
Si cela vous intéresse d’interroger vos apprenantes ou vos formatrices sur leur perception du présentiel, j’ai créé deux questionnaires sur cette thématique que j’ai récemment fait passer dans une institution universitaire belge.
N’hésitez pas à les télécharger, les modifier, les utiliser et à me faire un retour.
📕 Livre · Vivre une vie intentionnelle [FR]
Ce livre a été une des sources d’inspiration pour l’article d’aujourd’hui. Jean-Charles Kurdali y déconstruit la vie dite “par défaut” – basée sur des schémas préconçus que l’on reproduit malgré nous – et offre une méthodologie pour vivre une vie plus intentionnelle. Pour cela, il propose un travail d'introspection pour mieux vous connaître et changer radicalement sa trajectoire de vie, d’apprendre à vivre selon vos termes sans être influencé par les opinions et attentes des autres et de retrouver le contrôle de notre concentration en résistant aux distractions omniprésentes. Il s’agit donc d’un livre de “développement personnel”, mais les réflexions partagées dans l’ouvrage peuvent être transposées à d’autres domaines comme celui de la formation. Ainsi, en réfléchissant à l’idée d’une “pédagogie intentionnelle”, cela m’a poussé à questionner l’un des piliers de la “formation par défaut” : la formation en présentiel.
🤖 Site web · Le top 100 des outils pour apprendre [ENG]
Chaque année, Jane Hart interroge par questionnaire des professionnels de l'apprentissage (et de domaines connexes) en leur demandant les 10 meilleurs outils numériques pour apprendre. Sur cette base, elle établit un classement des 100 meilleurs outils d’apprentissage, disponible sous la forme d’une liste ou par catégories. Si elle a abandonné les contextes d’usage dans l’édition de cette année, on peut tout de même observer que la plupart des outils n’émanent pas de sociétés dites “EdTech”, et sont plutôt des outils personnels ou professionnels détournés à des fins d’apprentissage. Une liste à parcourir pour se rendre compte des pratiques d’apprentissage actuelles.
🗓️ Évènement · Le rendez-vous du numérique en éducation [FR]
Ouvrez vos agendas. Les 9 et 10 mai 2024 se dérouleront, en même temps et au même endroit – Hôtel Bonaventure de Montréal –, le 11e Colloque international en éducation et 12eme Sommet du numérique en éducation. Le premier est l’un des plus importants colloques francophones où sont communiqués les derniers résultats de la recherche scientifique. Le second réunit, sur les thématiques liées au numérique, des chercheurs·euses et des praticien·ne·s passionné·e·s et prêt·e·s à partager leur savoir, leur expertise et leurs expériences. Comme cela se déroule au même endroit, il est assez facile d’assister à des sessions dans les deux évènements – et, pour cela, vous n’avez besoin que d’une inscription. Le plus difficile est d’établir son programme parmi les dizaines de présentations en parallèle. Et si vous souhaitez proposer une communication, vous avez jusqu’au 23 novembre pour le faire !
📄 Article · Se concentrer : la super-compétence du XXIe siècle ? [FR]
Plusieurs études indiquent que l'omniprésence des distractions numériques a déclenché une crise de l'attention, affectant la concentration, le sommeil, les interactions sociales, et même la participation civique. Cette situation pose un défi majeur pour l'éducation : comment enseigner efficacement quand l'attention est si volatile ? Cet article plaide pour l'importance d'intégrer la gestion de l'attention dans les cursus éducatifs et défend la capacité à se concentrer comme la compétence clé du XXIe siècle. Une lecture indispensable pour mieux comprendre et naviguer dans cette économie de l'attention.
📹 Vidéo · Six secrets pour apprendre plus rapidement [ENG]
Dans cette conférence TED, le Dr Lila Landowski montre comment la neuroplasticité est l’une des clés pour apprendre plus rapidement et plus efficacement. Notre capacité à apprendre diminue après l'âge de cinq ans, mais il est possible, selon elle, de mobiliser 6 ingrédients pour rester ou devenir un·e meilleur·e apprenant·e : l'attention, la vigilance, le sommeil, la répétition, les pauses et les erreurs pour améliorer notre apprentissage. 18 minutes pour apprendre à (mieux) apprendre, ça ne se refuse pas !
Je suis un amoureux du livre papier, que ce soit pour l’objet en lui-même, les sensations qu’il procure à la lecture, la beauté d’une bibliothèque ou la possibilité de partager à quelqu’un un livre qu’on a apprécié.
Pourtant, début 2023, je me suis donné un défi : me forcer – c’est le mot juste, parce que ça n'a pas été simple – à ne lire que sur Kindle, histoire d’expérimenter la lecture numérique.
Verdict après 10 mois… C’est une révélation !
Depuis, il m’est juste impossible de revenir en arrière tant les avantages découverts transforment mon quotidien de lecteur, de créateur, de formateur et de designer.
En quelques mois, j’ai maintenant des dizaines de livres – ma bibliothèque numérique s’enrichit peu à peu – accessibles en un clic, toujours avec moi, sur mon Kindle, mon iPad, mon iPhone et mon Mac. La synchronisation des pages est juste parfaite si j’avance dans une lecture sur l’un de ces supports. Je peux aussi facilement feuilleter un ouvrage avant de potentiellement l’acheter, ou plonger dans les livres proposés dans l’abonnement Kindle Unlimited.
La réelle transformation s’est faite dans mon usage de ce que je lis, surtout durant cette période où je cherche des références et me documente pour mon propre livre. Je peux facilement retrouver un passage, une citation ou une idée en quelques secondes. Le copier-coller d’un extrait que je souhaite utiliser est direct. Et surtout, ce que j’annote et surligne est envoyé dans Notion et Obsidian grâce à Readwise. Ça m’a poussé à beaucoup plus retravailler les contenus que je souhaitais garder, à les catégoriser, à les transformer en concept ou même à reformuler des passages.
Après, il y a aussi plein de petits changements agréables dans le rapport à la lecture, comme l’opportunité d’avoir directement la définition d’un terme ou la traduction de celui-ci, voire la capacité de lire le soir, dans le lit, sans lumière artificielle et sans déranger ma compagne.
Bref, c’est une révélation pour moi ! Et si je ne délaisse pas les livres papier – que je sélectionne avec beaucoup plus de plaisir et de précaution –, je suis aussi tombé amoureux de ce petit objet qui rentre dans une sacoche ou dans une poche de jean.