Bonjour à tou·te·s
Nous sommes le mardi 24 août. Il est 9 heures – au moment où j’écris ces lignes. Vous êtes 1279 abonné·e·s.
C’est juste complètement fou. Merci pour votre intérêt et votre confiance (aveugle). J’imagine que vous lisez déjà tout un tas de newsletters. Je vais tout faire pour que celle-ci soit un peu spéciale à travers son ton, son contenu et sa capacité à vous inspirer.
Il faut tout de même que je vous partage ma plus grande crainte vis-à-vis de ce projet : l’hétérogénéité du lectorat. Vous vivez tou·te·s l’enseignement, la formation et l’apprentissage dans des contextes si variés qu’il m’est difficile, voire impossible d’être au plus près de vos réalités dans chaque édition. La solution ? Explorer avec vous des thématiques et contextes différents toutes les deux semaines. J’espère ainsi que les pratiques d’une créatrice de contenu sur YouTube aideront un enseignant face à ses élèves de 8 ans, ou qu’une tendance particulière dans l’enseignement supérieur inspirera un changement de pratique dans le département formation d’une entreprise. Mon parti pris est clair : vous faire sortir des sentiers battus et vous amener à découvrir de nouvelles choses.
Pour cela, l’approche rédactionnelle de learnability est à l’opposé du micro-contenu, et d’un article avec les “5 conseils pour…”. Comptez plutôt une quinzaine de minutes de lecture par édition – si vous ne vous perdez pas dans les liens proposés. Et, petit conseil, ayez toujours un carnet de notes à proximité. Le but de cette newsletter est de favoriser l’idéation. Qu’une idée partagée dans un paragraphe engendre la génération de dix autres propres à votre contexte.
Chaque édition est également une invitation à la discussion. N’hésitez pas à réagir, que ce soit dans les commentaires (vous devez ouvrir la newsletter sur votre navigateur Internet), directement par e-mail en réponse à ce message ou encore sur les réseaux sociaux (principalement Twitter). Vous pouvez aussi me partager vos ressources, articles intéressants, outils, personnes à découvrir, etc.
Pour rappel, vous recevrez cette newsletter un mardi sur deux, à 11:00. Une édition sera consacrée à une “exploration”, c’est-à-dire l’analyse d’une tendance, d’un concept ou d’une pratique en matière d’innovation pédagogique ou de futur de l’apprentissage. L’autre vous proposera une “conversation” avec un·e créateur·rice d’expérience d’apprentissage. En bonus, une partie “Inspiration” avec des liens, idées, lectures, outils ou conférences à explorer. Sauf aujourd’hui. Mon enthousiasme rédactionnel dans cette première édition se confronte à un souci technique : mon e-mail est trop long. Vous trouverez donc les ressources et outils que j’avais soigneusement sélectionnés pour vous sur mon compte Twitter (@NicolasRoland) chaque jour à 11:00. Et sans faute, dans la prochaine édition.
L’article de la semaine porte sur un sujet qui m’est cher : l’efficacité des formations en ligne. Vous allez y découvrir les raisons de l’inefficacité des formations en auto-apprentissage, l’émergence des parcours par cohorte ainsi que les principes d’une conception pédagogique beaucoup plus centrée sur les apprenant·e·s. Le contexte de cet article est celui des formations en ligne proposées en dehors des institutions d’enseignement. Il ne s’agit donc pas de parcours que les participant·e·s sont obligé·e·s de suivre, mais bien auxquelles ils et elles choisissent de s’inscrire.
Certains ou certaines, comme Wes Kao, vous diront qu’enseigner à un public “non captif” s’avère beaucoup plus difficile.
D’autres, notamment des enseignant·e·s, pourraient vous raconter qu’il n’y a pas plus grand défi que d’enseigner à un·e étudiant·e qui est obligé·e de suivre votre cours.
Une chose est sûre, que votre public soit captif ou non, une série de principes et d’ingrédients distillés dans cette édition vous aideront à améliorer la qualité de vos formations en présence comme à distance.
Bonne lecture,
Nicolas.
Arrêtons de nous focaliser sur le contenu, créons des expériences
Temps de lecture : 14 minutes
L’apprentissage est une expérience. Tout le reste n’est qu’information.
Albert Einstein.
Le domaine de la formation fait face à un constat interpellant : les participants à un cours en ligne ouvert et massif apprennent tout aussi bien qu'en présentiel. Toutefois, à distance, seuls 10% des inscrits vont au bout de leur parcours. Et 4% le réussissent.
Si vous envisagez de créer un cours en ligne, ou même un parcours à distance dans une formation hybride, ces chiffres doivent vous questionner.
Pourquoi des taux de complétion aussi faibles ?
Comment soutenir la persévérance des apprenants ?
Comment élaborer une formation en ligne qui permette à tous de réussir ?
Si de nombreuses formations sont peu efficaces, d’autres parviennent à faire réussir la majorité de leurs participants. Parmi celles-ci, toutes ne respectent pas nécessairement les bonnes pratiques de l’enseignement en ligne. Pourtant, elles parviennent à engager les participants tout au long du parcours et à développer leurs compétences.
Dans cet article, je vous propose de décortiquer ce qui différencie les formations peu engageantes de celles qui génèrent des résultats et produisent des transformations durables.
Concrètement, je commencerai par analyser les principales raisons de l’inefficacité de la plupart des formations en ligne. Ensuite, à partir de l’exemple du bootcamp Sauce Writing – qui a donné naissance à cet article –, j’identifierai plusieurs ingrédients d’une expérience d’apprentissage engageante. Enfin, je vous partagerai quelques clefs pour vous aider à concevoir votre formation dans une approche d’expérience d’apprentissage.
La plupart des formations en ligne ne sont pas efficaces
Les enquêtes de satisfaction à propos des formations en ligne sont claires : un contenu peu engageant, un manque de liens avec les besoins réels des participants et une absence de mise en application. Bref, la plupart d’entre elles ne sont pas efficaces. Pourquoi ?
Ces formations proposent un apprentissage passif
Vous souvenez-vous de votre dernier cours suivi à distance ? Il s’agissait probablement de quelques heures d’exposé sur Zoom ? Ou peut-être d’une série de vidéos complétées par une longue liste de questions à choix multiples ? Vous suiviez un MOOC ou un cours sur une plateforme d’apprentissage comme Udemy ou LinkedIn Learning ?
Le problème de ces formats ? Ils provoquent l’ennui, car le participant est passif. Et s’il est passif, il n’apprend pas. Comme le dit Stanilas Dehaene dans son ouvrage Apprendre : “Le principe directeur est on ne peut plus clair : un organisme passif n’apprend pas. On recherchera donc un engagement actif.”
Pour apprendre, il est essentiel de savoir que l’on ne sait pas et ensuite d’avoir une expérience d’apprentissage actif. Un participant confronté à des exercices sur ses connaissances préalables et/ou à une expérimentation sera plus impliqué dans la suite d’un parcours. C’est une des bases du constructivisme en pédagogie que peu de formations mobilisent. Il s’agit d’utiliser ces connaissances préalables pour ensuite adapter les contenus proposés aux participants.
Dans la plupart des formations en ligne, ces exercices simulent un apprentissage dit “actif”. Mais, placés après une ou plusieurs vidéos, ils testent au mieux, la mémoire à court terme des apprenants. Parfois, lorsqu’ils sont mal construits, ils peuvent aussi avoir un impact négatif sur les apprentissages.
Si vous ne voyez pas comment un simple QCM proposé à la suite d’une séquence vidéo peut faire des dégâts auprès d’un apprenant, jetez un œil à l’exemple ci-dessous tiré d’une vidéo de présentation du Centre pour l’éducation numérique de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne.
Sur la plateforme, lorsque les apprenants répondent au quiz, leur première tentative est un échec, souligné par le feedback “Incorrect. Try again”. La seconde est une réussite : “Correct !”.
Ces exercices, complètement automatisés et sans rétroaction, peuvent donc poser des problèmes : si l’apprenant trouve la bonne réponse, mais que son raisonnement est faux, il n'aura ni appris ni progressé tout en ayant l’illusion du contraire.
Ces formations sont orientées sur le “quoi” plutôt que sur le “comment”
Lorsque des participants s’engagent dans une formation en ligne, leur objectif est souvent de développer des compétences nécessaires à la réalisation d’activités professionnelles ou personnelles. lls souhaitent développer leurs compétences, devenir une meilleure version d’eux-mêmes, et la formation est un moyen pour y parvenir.
Pourtant, la plupart des formations en ligne, même celles centrées sur de la pratique, accordent une importance prépondérante aux contenus, aux savoirs. Alors qu’en réalité, les participants ne peuvent pas se transformer et évoluer s'ils ne connaissent que le "quoi". Ils doivent apprendre le "comment".
Ce “comment” est la clé d’un apprentissage de qualité. L’une des meilleures façons d’ancrer ses apprentissages est la mise en pratique. Appliquer ou expérimenter des choses qu’on vient d’apprendre permet d’intérioriser et de mémoriser de nouvelles compétences.
De nombreux cours en ligne négligent cette partie. Ils se concentrent uniquement sur des contenus théoriques et des lectures à n’en plus finir. Les apprenants ne peuvent donc pas mettre leur apprentissage en pratique, et le processus de transformation n’atteint pas son plein potentiel.
Ces formations laissent l’apprenant face à lui-même
Les formations en auto-apprentissage ont une proposition de valeur forte : l’accès au savoir et à la connaissance n’importe quand. N’importe où. À partir de n’importe quel support. Et sur n’importe quel sujet.
Mais cette liberté a un prix : sans la présence d’autres participants, ni de responsabilité vis-à-vis d’eux, il est facile d'abandonner.
Dans de nombreuses formations en ligne – données en dehors d’une institution d’enseignement –, l’apprenant est effectivement seul. La possibilité d’échanger avec l’enseignant n’existe pas, et les interactions avec les autres participants sont limitées.
Résultat : l’apprenant apprend peu, mal ou de manière superficielle.
À distance, la capacité des participants à se motiver et à s’auto-réguler est la clef. Ils doivent se fixer des buts, les planifier, réguler les ressources pour les atteindre et s’adapter en fonction des résultats obtenus. Mais tous seuls, livrés à eux-mêmes, ce processus est complexe à mettre en œuvre pour la plupart d’entre eux.
Vous vous rappelez des 4% de participants qui réussissent ? Vous comprenez que ce sont des survivants de cours souvent transmissifs, focalisés sur le “quoi”, sans soutien aux apprentissages. Pour apprendre, les participants ont besoin de support, d’accompagnement, de trouver du sens, d’être actifs, de réfléchir. Trop de formations oublient ces dimensions fondamentales.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’expérience d’apprentissage
Face à ces constats, de nouvelles approches de formation émergent. Elles sont axées sur l’apprenant : ses objectifs personnels, sa relation avec les autres participants, ses préférences d’apprentissage, etc. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la transmission d’informations, elles créent une expérience engageante et transformative pour chaque inscrit.
Pour illustrer cette tendance actuelle, j’analyse quelques principes pédagogiques du bootcamp Sauce Writing de Valentin Decker.
J’ai eu l’occasion de suivre cette formation il y a trois mois. Le contexte ? En six semaines, le bootcamp permet aux participants d’apprendre à structurer, écrire et promouvoir leurs articles ainsi qu’à les aider à ancrer une solide habitude d’écriture. L’article que vous êtes en train de lire a été en grande partie façonné durant cette formation.
Par ailleurs, rien de plus riche que de se mettre dans une posture d’apprenant pour décortiquer des principes de conception pédagogique.
Une approche par cohorte
Ces dernières années, face au faible taux de réussite des formations en auto-apprentissage, une nouvelle modalité s’est développée : la formation en ligne par cohorte. Son principe ? Le recours à un système de session, avec un début, une fin et une progression des apprenants régulée entre ces deux moments. Cela vous semble familier ? C’est normal, ce fonctionnement est similaire à ce qui se fait dans l’enseignement – primaire, secondaire ou supérieur.
Pourquoi ces cours par cohorte sont-ils si attrayants ? Que permettent-ils de différent par rapport aux autres modalités d'enseignement en ligne ?
Ces formations reposent sur un fondement clef : elles responsabilisent chaque apprenant en utilisant ses pairs.
La cohorte est ainsi un élément essentiel du bootcamp Sauce Writing. Pour Valentin, “les six semaines donnent un cadre temporel clair. Et la force du format bootcamp réside dans l’émulation collective qu’il offre, en amenant chaque participant à stimuler les autres, à les aider et à relire leurs productions.”
Comme une cohorte commence et termine le cours en même temps, les participants avancent au même rythme dans la formation. La cohorte leur offre une expérience plus interactive et immersive. Ils vivent des expériences similaires aux mêmes moments. Ils peuvent ainsi partager leurs difficultés et se soutenir. Poser leurs questions et s’entraider. Comparer leurs avancées et se renforcer. Cela améliore la compréhension des savoirs partagés. Les recherches montrent que cette approche par cohorte améliore la complétion d’un cours et la qualité des apprentissages.
Des opportunités d’échange avec le formateur
La page de présentation de Sauce Writing est claire : “Les 6 semaines du bootcamp sont rythmées par des sessions de cours et d’écriture en direct. Pas question de vous laisser seul(e) devant des vidéos enregistrées”
Les formations en auto-apprentissage proposent un contenu exclusivement pré-enrégistré, souvent sous la forme de ressources audiovisuelles. Le formateur enseigne à ses apprenants, mais ceux-ci ne peuvent ni interagir avec lui ni débattre entre eux. Dans une expérience d’apprentissage, le formateur n’est plus uniquement le concepteur de la formation qui fonctionne de manière autonome. Il en est également – et avant tout – l’animateur : à travers des sessions de questions-réponses, des ateliers de travail en direct, des invitations d’experts extérieurs, des interactions par discussions individuelles, l’apport de ressources complémentaires. Le rôle du formateur est de créer du lien avec et entre ses participants.
Ce suivi des apprenants permet également au formateur de mesurer, au fur et à mesure, si ses supports et ressources sont suffisamment adaptés au public de la formation.
La communauté comme pilier des apprentissages
Vous est-il déjà arrivé, en cours, qu'une camarade de classe pose une question et de vous rendre compte que vous aviez la même question ? Ou d’essayer d’y répondre et de comprendre que vous ne compreniez pas un concept aussi bien que vous le pensiez. L’interaction avec les pairs est un ingrédient essentiel de l’apprentissage. “On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres” écrivait Philippe Carré en 2005.
Échanger avec d’autres apprenants permet l’émergence d’un conflit socio-cognitif. Celui-ci accélère l’apprentissage pour trois raisons :
Il permet une décentration par rapport à son point de vue de départ (la connaissance du point de vue des autres permet de se représenter autrement le problème).
Il permet de recueillir des informations ou idées nouvelles.
Il renforce l’implication et la motivation (le groupe favorise une certaine émulation).
Sur cette base, de nombreuses expériences d’apprentissage recourent à une communauté où les participants peuvent échanger sur leur vécu, poser des questions et y répondre, venir chercher de la motivation, etc. Au sein de Sauce Writing, Valentin utilise la communauté pour faire vivre la formation au-delà de ses propres interactions avec les apprenants. À travers un espace sur Circle, chaque participant se présente, pose des questions, partage ses progrès et difficultés ou poste ses articles en cours pour que les autres les relisent.
L’aspect communautaire permet de rajouter une richesse supplémentaire à la formation, qui ne dépend pas de l’intervention directe du formateur.
Quelques pistes pour commencer à créer des expériences d’apprentissage
Les formations les plus efficaces en termes d’engagement des apprenants et de qualité des apprentissages sont axées sur l'expérience des participants.
Cette focalisation sur l’apprenant – plutôt que sur le contenu – comme moteur de la conception pédagogique a donné le nom à une nouvelle discipline : le learning experience design – ou la conception d’expérience d’apprentissage. Cette approche dépasse l'ingénierie pédagogique traditionnelle – instructional design – en se concentrant, durant la conception, sur l'apprenant et son environnement d'apprentissage afin de le soutenir dans l’atteinte de ses objectifs.
Pour clore cet article, je vous partage trois pratiques essentielles pour commencer à penser vos formations comme des expériences d’apprentissage pour vos apprenants.
Commencer par les résultats
Le point de départ de la conception de votre formation ne doit pas être la table des matières du contenu que vous souhaitez proposer à vos participants. Votre point de départ doit être ce qu’ils seront en mesure de réaliser après votre formation.
Ces résultats décrivent comment cette expérience d'apprentissage aura un impact positif sur la vie de l'apprenant. Valentin a procédé comme cela : “Pour moi, ça a été essentiel de commencer par la fin. Mon objectif principal est d’amener chaque participant à réussir en tant qu’auteur à l’ère d’Internet. Pour cela, j’ai deux objectifs piliers : se doter d’une méthode pour structurer et écrire des articles de qualité, et développer la discipline et l’habitude d’écrire. À partir de tout cela, j’ai développé le parcours d’apprentissage le plus pertinent pour atteindre ces objectifs en six semaines.”
Commencez donc par établir les objectifs d’apprentissage de votre formation :
en présentant ce que les participants pourront retenir de cette formation ;
en indiquant en quoi elle est pertinente – ou non – pour eux.
Pour cela, utilisez la phrase suivante : "À la fin du cours, l’apprenant·e sera capable de/d’atteindre [le résultat] (sans Y [potentielle problématique, ou friction habituelle]”.
Commencez par les objectifs globaux de votre formation, ou les compétences qu’elle permettra de développer. Précisez ensuite l’ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être qui, mis bout à bout, ou assemblés, permettront une transformation de vos participants. Ces objectifs baliseront le fil rouge de votre formation.
Si vous souhaitez mettre cela en pratique, je vous propose de lister 10 à 15 actions que vos participants seront capables de réaliser à la fin de votre formation.
Je vous conseille d’utiliser la taxonomie de Bloom qui est une très bonne source d’inspiration pour ces verbes d’action.
Connaître ses participants
Pourquoi vos participants se forment-ils ? Que viennent-ils chercher dans votre formation ?
Les raisons qui poussent les individus à développer des compétences sont variables : le plaisir d’apprendre, l’espoir d’une promotion, la possibilité de rencontrer d’autres personnes du même domaine, le conseil plus ou moins coercitif d’un supérieur, etc. Si ces motifs peuvent sembler anodins, ils témoignent pourtant de la motivation des personnes par rapport à la formation elle-même.
Les motifs d’engagement influencent la participation des individus dans la formation ainsi que leur perception de celle-ci. Devoir gérer des apprenants présents “parce qu’ils sont obligés” diffère largement de la gestion d’un groupe de personnes passionnées par la thématique.
Dans le cadre d’une formation en ligne, la difficulté s’avère encore plus élevée : l’apprenant est encore plus libre de ses choses, comme lancer une vidéo de 5 minutes et aller prendre un café. Dans une recherche publiée en 2016, j’ai montré que les motifs d’engagements des participants dans un MOOC influençaient :
leur sentiment d’efficacité personnelle ;
leurs stratégies d’apprentissage ;
la perception qu’ils avaient des ressources pédagogiques à leur disposition.
Si vous en avez l’occasion, prenez donc le temps de connaître vos participants le plus tôt possible, même avant votre formation.
Dans Sauce Writing, chaque participant passe deux étapes avant de s’inscrire à la formation. Celles-ci permettent à Valentin de mieux connaître son public cible, propre à chaque session. Tout d’abord, le potentiel participant doit postuler à travers un formulaire qui le questionne sur ses objectifs par rapport à l’écriture, son expérience antérieure de publication et l’investissement qu’il est prêt à mettre. Ensuite, Valentin propose un entretien de 30 minutes pour mieux connaître chaque participant, comprendre ses motivations et besoins ainsi que pour valider l’adéquation entre son profil et l’expérience de la formation.
Prototyper et tester
Créer une formation en ligne vous prendra, au minimum, quelques dizaines d’heures. Plus souvent, cela se comptera en centaines d’heures de création. Avant de vous lancer dans un tel chantier, dégagez un prototype, ou un cours minimum viable – minimum viable course (MVC).
À l’instar du produit minimum viable dans le monde du logiciel, le MVC est la version d’une formation qui vous permettra d'obtenir un maximum de retours de participants en nécessitant un minimum d'efforts de votre part. Une fois réalisé, il est important de mettre ce prototype à l'épreuve pour en tirer des conclusions et itérer sur cette base. Les objectifs d'apprentissage ont-ils été atteints par l'apprenant ? L’apprentissage est-il réel ?
Une chose est sûre : il est rare que votre premier prototype de formation en ligne soit parfait. Les résultats de votre test vous amèneront très certainement à revoir tout ou partie des étapes précédentes. Vous devrez peut-être même effectuer des recherches supplémentaires, modifier une partie de la conception ou changer de plateforme.
Néanmoins, cette étape sera riche d’enseignements. Il est essentiel de mettre votre idée à l’épreuve de vos participants le plus rapidement possible.
Ces derniers mois, Valentin a développé deux cours minimum viables en amont de son bootcamp : un cours par e-mail – 5 jours pour écrire de meilleurs articles de blog – et un podcast où il partage sa philosophie d’écriture. “J’y vois vraiment deux avantages : premièrement, ça m’a permis de rapidement commencer à partager des connaissances, à structurer une approche et une pédagogie. Deuxièmement, j’ai reçu énormément de feedbacks, tant vis-à-vis du cours que vis-à-vis du podcast, et j’ai pensé le bootcamp à partir de ceux-ci”.
Un cours minimum viable a trois caractéristiques principales :
il doit respecter les principes pédagogiques que vous établissez, et si possible permettre d’atteindre au moins l’un des objectifs de votre formation ;
il doit être facile pour vous de le concevoir, et ne doit pas vous prendre trop de temps ;
il doit être facile à suivre pour vos participants afin qu’ils puissent rapidement vous fournir un retour.
Vous envisagez de créer une formation en ligne ? Je vous conseille de mettre en ces trois étapes en vous focalisant avant tout sur vos apprenants et l’expérience que vous voulez leur faire vivre bien plus que sur le contenu à transmettre.
D’autres principes existent, nous les découvrirons au fil des éditions.
Au-delà des conseils partagés ci-dessus, cela implique un changement de posture de la part du formateur. Il s’agit de reconsidérer la posture transmission pour se placer dans une posture de médiateur d’accès à la connaissance – en sélectionnant et offrant les bonnes ressources – ainsi que de tuteur/accompagnateur – en motivant les apprenants à appréhender la matière, en les aidant à dépasser leurs difficultés, etc.
Merci à Anne, David, Evelyne, François, Sophie & Soukaïna pour leurs précieux conseils lors de la rédaction de cet article.
Vous souhaitez aller plus loin sur le sujet…
“The Future of Education is Community: The Rise of Cohort-Based Courses” (Tiago Forte) · Une analyse des quatre temps de l’évolution des formations en ligne qui montre comment les parcours par cohorte permettront potentiellement d’atteindre la promesse d’un apprentissage plus ouvert, accessible et démocratique.
“In Online Ed, Content Is No Longer King - Cohorts Are” (Wes Kao) · Face à l’abondance de contenu éducatif bon marché ou gratuit, les apprenants ne paient plus aujourd’hui pour accéder au savoir. Partant de ce postulat, Wes Kao décrypte les lacunes des MOOC, l’essor des formations par cohorte et l’intérêt de ces dernières pour les créateur·rice·s de contenu.
“Understanding the complexity of Learning Experience Design” (Matthew Schmidt) · Une introduction au learning experience design (LXD) à travers trois questions fondamentales : le LXD est-il le nouveau terme pour la conception pédagogique ? Le LXD est-il simplement une approche centrée utilisateur·rice pour l'apprentissage en ligne ? Quelles sont les caractéristiques universelles du LXD ?
Si vous lisez ce paragraphe, c’est probablement que vous avez parcouru toute cette édition. Merci ! Sachez que je suis très curieux d’avoir vos retours ! Alors je vous invite à m’écrire pour me dire ce que vous avez pensé de tout ça en réponse à cet e-mail, ou sur Twitter.
On se retrouve dans deux semaines !
Nicolas.
Bonjour Nicolas, j'ai beaucoup appris à travers cet article ultra riche.
Bonjour Nicolas, grâce à cet article, j'ai eu la confirmation et l'explicitation, autrement dit l'explication scientifique, de ma longue expérience de formatrice en blended learning.