Bonjour à tou·te·s 👋
J’espère que vous vous portez pour le mieux !
De mon côté, après m’être inscrit sur Strava – une application de suivi sportif où je recense mes sorties de course à pied –, je suis en pause forcée à cause d’une douleur au genou. Cela ne gâche pas mon bonheur d’être à Montréal encore quelques jours, et je passe mon temps à déambuler dans les rues – tout en boîtant un peu.
Les deux congrès scientifiques auxquels j’ai assisté ces deux dernières semaines se sont bien passés, même si suivre le premier en tant que participant a engendré chez moi une sorte de “FOMO” : une peur de rater “la communication” intéressante. Avec près de 15 à 20 sessions en parallèle à plusieurs reprises durant la journée, le choix était souvent difficile.
J’en ressors avec une série de nouvelles idées, d’analyses de tendances, de bonnes pratiques et de pistes de réflexion. Évidemment, l’intelligence artificielle était présente dans tous les discours, dans de nombreux retours d’expérience et dans certaines recherches. L’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique a notamment organisé une journée de symposium assez riche sur le sujet.
À côté de cette tendance et d’autres innovations, plusieurs communications portaient sur les conséquences de la pandémie, et surtout sur la place du présentiel dans le futur des formations. Plusieurs recherches montrent que les étudiant·e·s peinent à trouver un sens, ou une réelle plus-value au présentiel. L’idée n’est pas nécessairement d’abolir le face-à-face, mais plutôt de repenser le recours aux rencontres en présentiel et de les combiner adéquatement avec d’autres modalités – du bimodal, du comodal ou de l’hybride. Si cette tendance se confirme, cela va amener de nouvelles questions en matière d’ingénierie pédagogique, d’expérience apprenante, d’organisation et de logistique dans les institutions, etc.
J’ai aussi eu l’occasion de communiquer à l’ACFAS sur l’approche de “Learning Experience Design” que je développe au sein de Caféine.Studio. Cette présentation s’est très bien déroulée, et au-delà des retours obtenus, cela m’a amené trois réflexions : d’une part, le recours à ADDIE en tant que modèle d’ingénierie pédagogique est encore très important ; il y a une nécessité de le remettre en question et de proposer des approches alternatives – dont le “Learning Experience Design” . D’autre part, j’avais oublié à quel point le fait de présenter son travail aidait à clarifier les idées, à prendre du recul et à l’améliorer grâce aux discussions. Enfin, sur la base des deux premiers constats, cela me renforce dans l’idée d’écrire encore plus à propos de la conception d’expériences d’apprentissage – comme dans cet article ou celui-là – et de prendre du temps pour communiquer sur la démarche – sur Twitter, lors de conférences ou en organisant des webinaires. Bref, je reviens avec pas mal d’idées !
J’avais envisagé de faire un suivi des événements en direct sur Twitter. J’ai malheureusement manqué de temps pour à la fois prendre des notes, et partager mes réflexions en direct. Les sessions étaient tellement intenses !
Je ne vous ai pour autant pas oubliés ! J’ai profité des pauses pour interroger des acteurs·rices présentes – principalement des chercheurs·euses – afin de découvrir leurs travaux et ce qui les animait pour le moment. J’en ai fait deux séries de “micro snapshot” qui seront publiés dans cette édition et la suivante.
Aujourd’hui, ces discussions sont consacrées aux usages du numérique par les étudiant·e·s, à la vidéo 360 degrés utilisée en formation et à l’arrivée de Wooclap au Canada.
Bonne lecture,
Nicolas.
Temps de lecture : 15 minutes
Pour saisir quelque peu la diversité et la richesse du 10ème colloque international en éducation, je me suis arrêté le temps d’un café avec différent·e·s acteurs·rices du monde de la recherche et de l’innovation.
Nous avons évoqué leurs activités, leurs dernières découvertes ainsi que leurs visions du monde de l’enseignement et de la formation.
Aujourd’hui, je vous propose de rencontrer trois personnes passionnantes :
Elisabeth Schneider, enseignante-chercheuse à l’Université de Caen, qui étudie notamment les usages du numérique par les étudiant·e·s.
Lionel Roche, enseignant-chercheur à l’Université du Québec à Montréal, qui s’intéresse aux usages pédagogiques de la vidéo 360 degrés.
Fabien Maurin, directeur des activités de Wooclap au Canada, qui évoque sa vision du Québec, de la pédagogie et des nouveautés de Wooclap.
Les usages du numérique des étudiant·e·s avec Elisabeth Schneider
Salut Elisabeth. Qui es-tu, et sur quoi travailles-tu ?
Elisabeth Schneider, je suis enseignante-chercheuse à l'Université de Caen.
Ma discipline de rattachement, ce sont les sciences de l'information et de la communication. Mais par les cours que j’enseigne et les réseaux scientifiques auxquels j’appartiens, on va dire que, globalement, mon objet de recherche, c'est le numérique. Je l’approche de manière pluridisciplinaire, géographique, sociale, en éducation avec un regard féministe du côté du care.
À côté, je suis directrice adjointe du service d'appui à la pédagogie et d'innovation pédagogique de l'Université de Caen, le CEMU. Je suis en charge des dossiers qui relèvent de la capitalisation et de la formalisation de l’expérience en matière d’accompagnement pédagogique. L’idée, c’est d’amener les ingénieurs pédagogiques à conscientiser leurs pratiques de travail et à les enrichir avec un recul critique, notamment à travers un outillage en sciences sociales.
Est-ce que tu peux présenter tes activités de recherche ?
Je m’intéresse au numérique, et surtout à la manière dont il modifie et reconfigure des activités du quotidien. Par exemple, je m’interroge sur le fait qu’il soit présenté comme un facilitateur et pourtant nous bloque ou fait totalement obstacle dans certaines situations. Et cela, sur différentes populations : les migrants, les adolescents, les étudiants d’université ou encore les enseignants. Pour étudier ces usages, je mène des enquêtes avec des méthodologies très qualitatives.
Comment naissent ces projets de recherche ?
Je suis assez opportuniste… En fonction de ce qui m’interpelle, je me dis : “Là, il y a un truc que j'ai envie de creuser.” Pour moi, c’est lorsqu’il y a quelque chose de l’ordre du contre-intuitif, quelque chose qui me surprend, qui est très insolite.
Je sens ce qu'on appelle les signaux faibles, ou alors un sujet qui est affirmé, voire revendiqué et pour lequel je me dis tout de même : “Est-ce que je peux me donner les moyens d'aller regarder d'un petit peu plus près ce qu’il se passe ?”
C’est notamment ce qui t’a amené à travailler sur les pratiques numériques des étudiants…
Oui, parce qu'il y a une grande injonction au développement de compétences numériques chez les étudiants. Parallèlement, les enseignants du supérieur se plaignent beaucoup de leurs comportements : ils sont accrochés à leur téléphone, n'arrivent plus à se concentrer, etc. Ce sont des remarques qu'on faisait à propos des adolescents qui, maintenant, sont transposées aux étudiants.
Mon travail d’enquête, dans ce contexte, vise à mieux comprendre la place que le numérique occupe chez les étudiants, à travers leurs discours et la diversité de leurs usages. Qu’est-ce qu’ils en disent et font réellement ? Par exemple, est-ce qu'ils sont très utilisateurs de réseaux sociaux et l'assument ? Ou bien est-ce qu'ils sont très utilisateurs tout en se disant : “Je sais que je suis en train de perdre mon temps.”
Est-ce qu’il y a des choses qui t’ont particulièrement interpellée en menant ces enquêtes ?
Le sentiment d’être démuni, de reconnaître qu'il y a un potentiel d'action, de développement de compétences avec le numérique, mais qu’ils sont en train de se faire happer par des dispositifs, des applications ou des sites.
Je te donne un exemple : le recours à des vidéos YouTube sur leurs passions. Ils se rendent compte que plus ils consomment de vidéos sur leurs passions, comme des vidéos de cuisine, moins ils se donnent les moyens de vivre ces mêmes passions.
C’est ce que certains auteurs, comme Cal Newport, observent dans le monde professionnel : le numérique ou les e-mails nuisent finalement plus à la productivité de l’individu qu’ils n’apportent de bénéfices. Dans ce que tu observes, est-ce que le numérique est aujourd'hui une entrave au métier d'étudiant ?
C'est compliqué de le dire sur l’ensemble de la population étudiante, évidemment. Mais tout de même…
J’ai fait une expérience lors d’une formation au numérique avec 200 étudiants. J’ai commencé la séance en leur demandant de venir poser leur téléphone sur mon bureau à l’avant de l’amphithéâtre en leur disant : “Le cours ne commencera pas tant que vous ne serez pas toutes et tous venus déposer votre téléphone.” Ils ont commencé à négocier : “Mais pourquoi ? Mais non, c’est pas possible ?”. Ils finissent par le faire, parce qu’ils sentent une prescription enseignante, tout en mobilisant une série de stratégies. Par exemple : “Je le fais si toute ma rangée le fait.”
Certains s'obstinent, en particulier les plus âgés, parce qu’ils veulent absolument rester connectés avec leurs enfants, et ne supportent pas l'idée de passer une heure de cours sans être disponibles.
D’autres, au bout d'une demi-heure à peu près, m'ont demandé s'ils pouvaient venir chercher leur téléphone parce que vraiment, ce n'était plus supportable.
Est-ce que le développement des compétences numériques peut aider à améliorer cette relation aux outils ?
Oui, dans une perspective élargie des compétences numériques.
C’est une forme d’hygiène mentale à développer : “Qui pilote mon activité ? Est-ce moi, ou le dispositif ? Est-ce que je me laisse faire par cela ou suis-je capable de faire une régulation, voire une métacognition vis-à-vis de l’usage même du numérique ?”.
Pour moi, tout cela devrait faire partie de ces compétences.
Quel conseil donnerais-tu à un·e enseignant·e ou formateur·rice pour réussir à (re)gagner l’attention de ses apprenant·e·s ?
C’est de ne pas faire comme si de rien n'était, de ne pas faire comme si ça n'existait pas.
C'est parfois le risque parce qu'on a envie que le cours se déroule. On se dit : “S’ils ne veulent pas apprendre, tant pis pour eux. S’ils font autre chose, tant pis pour eux.”
Pour moi, il y a trop de choses qui relèvent de l'implicite. Il faut que ce soit un objet de discussion ou un objet de contractualisation. C'est-à-dire : “Je sais que c'est là et on va le verbaliser”.
C’est important, en tant que formateur, d’expliquer le cadre dont on a besoin pour travailler. Par exemple, leur dire : “Vous avez vos outils numériques, mais moi, voilà ce que j'ai prévu pour le cours et dans quelle mesure j'ai besoin que vous arriviez à mettre en suspens d'autres activités parallèles. Ce contenu que je vous propose, il n'est pas possible de se l’approprier si vous êtes en train de faire autre chose.”
Une autre chose importante, c’est qu'on n'est pas dans de l'ordre du bien et du mal, mais plutôt du “pouvoir agir” et de savoir “qui a le contrôle”.
Est-ce que ce n’est pas un objet d’éducation, du ressort du familial, plus que de formation ?
Je pense que cette difficulté est très partagée socialement et que les parents la vivent eux-mêmes.
Les enquêtes montrent que ce sont de nouveaux sujets de tension familiale ; cela crée une tension interpersonnelle extrêmement forte. Donc, à un moment donné pour les parents, ce qui se passe à l'école reste à l'école. Je ne vais pas faire la guerre à la maison en permanence en disant : “J'espère que quand tu es en cours, tu n'es pas tout le temps sur ton téléphone.”
À côté de cela, en tant qu’enseignant ou formateur, on ne peut pas externaliser cela. Penser que ce n’est pas de notre ressort. C'est-à-dire que de la même façon qu'un enseignant va se sentir concerné si ses élèves se lancent des crayons à travers la salle, il doit se poser la question de ce qu’ils sont en train de faire avec les technologies.
Est-ce que le cadre dont tu parles est encore plus important à distance, lorsqu’on utilise des outils numériques pour donner un cours en ligne, qu’en présence ?
En ligne, je trouve qu'il faut davantage expliciter le cadre d'interaction. Tout ce qui peut passer par de l'informel quand tu es en face-à-face est configuré autrement lorsque tu es à distance. Donc il faut le verbaliser, l'expliciter.
Parfois, certains apprenants vont suivre une formation en petite tenue dans leur lit, tout en mettant la caméra. Toute cette socialité de la situation d'enseignement, il faut réussir à la verbaliser. Sur le sujet, je pense qu'il y a quand même beaucoup de choses qui ont été dites sur la situation de télétravail qu'on peut mobiliser et que tu retrouves avec des situations de formation.
Est-ce que tu aurais l'une ou l'autre ressource pour amener les lecteurs·rices à continuer d’explorer ce sujet ?
Les deux ouvrages du philosophe Hartmut Rosa, l’un sur l’accélération et l’autre sur la résonance, sont extrêmement riches. Ils offrent un vrai cadre pour la réflexion. Et il en a d’ailleurs écrit un autre sur la pédagogie de la résonance.
Je pense que les travaux de Caroline Datcharry qui travaille sur la dispersion peuvent aussi être très intéressants. Même si, à nouveau, c’est plus large que le milieu de l’éducation, elle s’intéresse au fait que les contraintes de travail génèrent de la dispersion, à la manière dont les individus se mettent à gérer cette dispersion et aux nouvelles compétences qui émergent. Je me dis qu'il y a des choses qui peuvent être intéressantes à transposer en formation.
Quel est le meilleur moyen pour les lecteurs·rices de suivre tes activités ?
Sur les réseaux, en particulier Linkedin, j’essaie de tenir à jour mes dernières publications et mes intérêts. On peut me suivre aussi sur Twitter : @elisschneider
La vidéo 360 degrés en formation avec Lionel Roche
Salut Lionel. Qui es-tu, et sur quoi travailles-tu ?
Je suis enseignant-chercheur à l'Université du Québec à Montréal. Je travaille essentiellement sur les usages du numérique en éducation physique, dans la formation des enseignants en éducation physique ainsi que dans la formation de tous les enseignants à travers les usages de la vidéo 360 degrés.
Pourrais-tu me parler d’un de tes derniers projets de recherche ?
Il y a deux projets sur lesquels je travaille actuellement.
Le premier, c'est sur l'usage de ces vidéos 360 dans la leçon en éducation physique, notamment pour lutter contre l'appréhension relative au milieu aquatique chez les élèves non-nageurs. On les amène à visionner des vidéos qui ont été tournées sous l'eau pour réduire leur appréhension du milieu aquatique.
Le deuxième, c’est la conception de scénarios de vidéo-formation qui intègrent différents types de ressources audiovisuelles, tant des vidéos 360 degrés que des vidéos enrichies et interactives, de type 360 hypervidéos (des vidéos 360 avec des hotspots).
Est-ce que tu peux définir ce qu’est la vidéo 360 degrés pour un novice ?
Dans une vidéo classique, le cadre est figé, c’est celui qui filme qui décide ce que l’utilisateur va voir. Avec une vidéo 360 degrés, on capture tout ce qu’il se passe dans la scène et c'est celui qui regarde qui va choisir l'orientation du cadre.
Ça crée une nouvelle forme de rapport à l'image. Il y a de l’interactivité : l’utilisateur peut changer le cadre ou zoomer, tout cela en cours de lecture.
Quelles sont les plus-values de ce média ?
Il y a notamment les aspects émotionnels. Par exemple, découvrir des situations ou des lieux avant même d'être confronté à ces situations dans la réalité. Pour des enseignants, découvrir tous les aspects de la situation de classe avant même d’aller en stage.
Pour la formation des enseignants, je pense qu'il y a un gros potentiel pour la préparation des stages en amont, mais aussi par la suite pour l'accompagnement, pour pouvoir observer toute l'intégralité d'une situation d'enseignement dans le détail et faire des rétroactions.
Malgré la facilité de production aujourd’hui, la vidéo reste un outil pédagogique complexe à prendre en main. Est-ce que ce n’est pas encore pire avec la vidéo 360 degrés ? Est-ce que ça ne demande pas encore plus de préparation ?
C’est encore plus simple ! Notamment parce qu’il n’y a pas de story-board à faire. Si on veut tirer le plein parti de ça, on positionne la caméra au milieu de la salle, et tout est filmé.
En termes post-production, c'est vrai que là, c'est un petit peu plus délicat, même si ça s'est largement simplifié au fil du temps.
La vidéo 360 reste utile si on n'a pas de montage à faire, c'est aussi facile à utiliser qu'une vidéo classique.
Est-ce que tu aurais un conseil pour une personne qui enseigne ou forme et souhaite innover avec le numérique ?
La première chose, c'est de se dire que ce n'est pas l'outil qui fait l'apprentissage, mais bien l’usage. C’est important de se demander : “Est-ce que, vraiment, j’ai besoin de vidéo ou de vidéo 360 ?”. Ça peut être sympa d’intégrer un nouvel outil. La vidéo, ça donne de belles images, on se sent cool. Mais il faut vraiment se dire : “Quelle est l'utilité de l'outil ? Et pourquoi on veut l'intégrer ?” Je pense que c'est vraiment la première question à se poser.
Après, si on peut percevoir une plus-value, et je pense que c’est le cas avec la vidéo 360, il faut oser l'utiliser, c'est-à-dire que ce n'est pas un outil plus difficile qu'un autre, mais il faut juste l'utiliser et prendre le temps d’apprendre à l’utiliser. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, quel que soit l’outil, ça nécessite toujours un peu de temps d'appropriation ou de formation.
Où est-ce que je peux envoyer mes lectrices et lecteurs pour continuer d’explorer ce sujet-là ?
J’ai un ouvrage qui devrait sortir début 2024 chez Peter Lang sur l'usage de la vidéo 360 en éducation et en formation. Avant cela, le plus complet, cela reste mon profil ResearchGate qui contient l’ensemble de mes publications. Sinon, aux États-Unis, il y a les travaux de Karl Kosko qui est l’un des grands spécialistes de la vidéo 360 degrés.
Wooclap et la pédagogie au Québec avec Fabien Maurin
Salut Fabien. Qui es-tu, et sur quoi travailles-tu ?
Je travaille chez Wooclap depuis 4 ans, et aujourd’hui je dirige les activités au Canada depuis Montréal.
Historiquement, je suis arrivé quand nous n’étions encore qu’une dizaine dans la boîte. J’étais le premier salarié en France et j’ai ouvert le bureau à Paris pour développer le marché français. J’ai ensuite travaillé sur les nouveaux marchés européens.
Peu à peu, on a senti l’intérêt de venir au Québec où il y a déjà une bonne utilisation de Wooclap. Et me voilà…
Qu’est-ce qui a donné le “go” pour ouvrir un bureau au Québec ?
Beaucoup de choses.
Historiquement, on collaborait déjà avec de nombreuses institutions. Nous avons notamment co–construit certaines fonctionnalités avec des conseillers pédagogiques québécois, ou avec Bernard Charlin, un chercheur en médecine à l'Université de Montréal, avec qui on a développé un type de questions : les tests de concordance. On collabore aussi avec Steve Masson qui est chercheur en neuroéducation à l'Université du Québec à Montréal.
À côté de cela, il y a ici un terreau qui est très propice à tout ce qui est innovation pédagogique, et beaucoup d’institutions qui nous utilisaient déjà.
Ouvrir un bureau nous permet d’être encore plus connus au Québec, et dans le reste du Canada. Cela nous permet aussi de nous rapprocher des États-Unis, un marché dont on connait le potentiel.
As-tu vu des différences entre le milieu de l’enseignement et de la formation en France / Belgique et celui du Québec ?
Il y a des différences structurelles sur la manière dont les parcours de formation sont organisés dans chacun des pays.
Un point qui me marque, c’est qu’en France et en Belgique, on est de plus en plus sollicités par le monde de la formation professionnelle. En France notamment, il y a une volonté politique et de nombreux investissements en faveur de la formation tout au long de la vie. C’est quelque chose que j’observe moins au Québec.
Est-ce que le Québec est, de ton point de vue, conforme à la représentation de “paradis de la pédagogie” qu’on s’en fait souvent ?
Ça ne fait que deux mois que je suis là, donc c'est encore difficile à dire.
Ce qui est certain, c'est qu’en matière de recherche, les universités québécoises sont en pointe sur les sujets de pédagogie.
Je remarque aussi que beaucoup d’enseignants sont assez avancés sur les questions d’intégration du numérique, qu’ils n’ont pas découvert le sujet avec la pandémie. Je vois de nombreux établissements organiser des groupes de travail, des communautés de pratique, publier des ressources… Je dirais qu’il y a une différence de maturité.
Et un écosystème plus important en matière de soutien des enseignants…
Oui, beaucoup de choses sont mises en place !
Un élément marquant, c'est la structuration des équipes de conseillers pédagogiques dans les écoles comme dans les universités. Je collabore notamment avec i-mersion CP – NDLR : Florian Meyer en parlait dans l’édition 34 – pour former les conseillers pédagogiques du Québec à Wooclap et Wooflash. Avoir un réseau de conseillers pédagogiques comme celui-là qui vise à soutenir leur développement professionnel, c’est vraiment bien !
Pour revenir à Wooclap, quelles sont les dernières innovations que vous proposez ? J’imagine que ça parle d’intelligence artificielle (rire) ?
Avant de parler d’intelligence artificielle (rire), on travaille surtout sur l’amélioration du produit et de son ergonomie. Dans les dernières nouveautés, nous avons développé des fonctionnalités pour permettre aux enseignants de mieux collaborer sur l’outil, de partager leurs productions, etc. L’idée, c’est de fluidifier cette collaboration et d'encourager ces dynamiques de co-création au sein des équipes, entre les enseignants, entre les enseignants et les conseillers pédagogiques, etc.
L’amélioration du produit est un travail continu, mais sur lequel on met toujours des efforts : fluidifier l'expérience utilisateur, s'assurer que la plateforme s'enrichit toutes les semaines avec des nouvelles choses tout en restant toujours super simple.
Et après, il a effectivement un sujet IA. On a développé Quiz Wizard, un générateur automatique de questions à choix multiples et de flashcards. Le principe, c'est qu'un enseignant va mettre le thème de son cours, charger son document de cours comme son PowerPoint, son document Word ou son pdf, et ensuite en un clic l'intelligence artificielle va lui générer les QCM et des flashcards. Il peut les modifier pour les adapter à son cours et les exporter vers Wooclap, pour poser des questions durant une séance ou offrir du matériel de révision. Il peut aussi les exporter vers Moodle ou un fichier Excel, pour le ré-utiliser ailleurs.
Par ton expérience d’accompagnement de projets d’innovation pédagogique dans différents contextes, est-ce que tu as un conseil pour un·e enseignant·e ou formateur·rice qui souhaiterait innover dans ses pratiques ?
Difficile de n’en choisir qu’un.
Je dirais de commencer par l’objectif pédagogique. Commencer par se poser la question : “Qu'est-ce que je veux faire apprendre à mes élèves ? Qui est-ce qu'ils sont ? Quel est l'objectif pédagogique qu'il y a derrière ma séquence ?”.
Ça peut paraître basique, mais ce que j'entends parfois de la part des enseignants, c'est : “Comment est-ce que je peux utiliser tel outil ?” Leur point d’entrée est par l'outil. Pour moi, l'enjeu est plutôt de se dire : “Où est-ce que j'ai envie d'aller ? Quel est l'objectif pédagogique ? Qui est mon public ?” À partir de là, voir quelle méthode mettre en place et ensuite l'outil qui va enrichir cette méthode.
Aurais-tu une recommandation de quelque chose que tu as lu, vu ou entendu ces derniers temps ?
Il y a un sujet qui me fascine, c’est celui des neuromythes.
Quand j'anime des conférences, je commence souvent par un vrai-faux sur la manière dont le cerveau fonctionne ou dont on apprend. C’est fascinant de voir qu’assez systématiquement, c’est 50% de l'audience qui répond vrai et l'autre qui répond faux. Souvent, c’est lié à des croyances populaires et des neuromythes.
Pour moi, c’est un sujet clé de comprendre comment le cerveau fonctionne lorsqu’on est enseignant. Pour cela, je conseille l’ouvrage “Urban Myths about Learning and Education" de Pedro De Bruyckere, Paul Kirschner et Casper Hulshof. J’en ai d’ailleurs fait un résumé sur Twitter. J’ai aussi récemment découvert ce jeu de cartes permet d’apprendre le fonctionnement du cerveau sur la base des neuromythes.
Quel est le meilleur moyen pour les lecteurs·rices de suivre tes activités et celles de Wooclap ?
D’un point de vue personnel, je publie sur Twitter. Pour Wooclap, le mieux est de nous suivre sur LinkedIn.
Lateral n’est pas un outil pédagogique, mais plutôt un outil pour la recherche et surtout réaliser des revues de la littérature – oui, je vous partage aussi des outils que je découvre pour d’autres aspects de mes activités.
Si vous devez comparer différents documents PDF – comme des articles de recherche –, Lateral va vous permettre de les lire, de les analyser et d’en ressortir les informations pertinentes plus rapidement grâce à l’intelligence artificielle.
L’outil vous propose de charger vos documents PDF pour ensuite les analyser de manière simultanée. Vous pouvez effectuer des recherches dans l’ensemble des documents en même temps pour en extraire les informations essentielles – la méthodologie, les résultats ou les perspectives par exemple. Ces informations surlignées se retrouvent ensuite dans un tableau qui vous permet de croiser les contenus de tous vos PDF. Bref, une analyse catégorielle des articles en quelques clics ! Vous pouvez également trouver d’autres contenus similaires grâce à l’intelligence artificielle.
Lateral est un outil spécifique, mais il montre comment la technologie et l’intelligence artificielle peuvent soutenir un processus qui est resté bien longtemps analogique et manuel.
Si vous utilisez aussi des logiciels qui facilitent l’organisation d’une phase de recherche ou de préparation à l’écriture, n’hésitez pas à me les partager en répondant à cet e-mail !