Comment des designers soutiennent l’innovation pédagogique et la vulgarisation scientifique
learnability #43
Bonjour à tou·te·s 👋
Je vous écris depuis un nouvel espace de coworking : SQ North. Je ne reviens pas à la vie de bureau abandonnée en novembre 2022. J’ai juste choisi un espace – du même groupe – situé à 10 minutes à vélo de mon domicile, plutôt qu’à 45 minutes de transport en commun. J’y perds du temps de trajet pour lire ou écouter des podcasts, mais je gagne en flexibilité avec la possibilité d’y passer des demi-journées – notamment l’après-midi pour profiter de l’air conditionné lorsque mon bureau mansardé se transforme en fournaise.
La dernière édition a été riche en enseignements : le sondage de fin a montré que 32% d’entre vous jugeaient l’édition comme “Pas terrible” – certes, je généralise… 32% des 91 personnes ayant voté.
Après 24 heures à remettre ma vie en question, j’ai d’abord analysé les chiffres : 30 votant·e·s insatisfait·e·s sur 2.400 abonné·e·s, cela reste marginal. Ensuite, j’ai tout de même voulu comprendre les raisons de ce vote, et les retours ont pointé deux éléments : le titre laissait à penser que j’adoptais une posture d’expert ou de “donneur de leçon”, alors qu’il s’agissait plutôt de partager mes apprentissages et mes propres leçons de 10 années de conception pédagogique. À côté de cela, l’article était potentiellement mal ciblé : trop complexe et pas assez pratique pour des novices, trop simple pour les personnes qui innovent déjà en formation. Si vous avez d’autres retours / commentaires (ou même des mots gentils, je prends aussi), vous pouvez me les adresser en répondant à ce message ! Cela m’aide à améliorer le contenu qui vous est proposé toutes les deux semaines.
Paradoxe intéressant de cette dernière édition : une augmentation de 6% du taux d’ouverture – c’est-à-dire le nombre de personnes qui ouvre la newsletter dans leur boîte de réception – et près de 1.000 vues en plus par rapport aux éditions précédentes.
Assez parlé des coulisses de l’édition précédente, passons à celle du jour ! Vous le savez, j’aime aller à la rencontre de celles et ceux qui expérimentent de nouvelles pratiques, ou fonctionnent en dehors des cadres habituels. Et dans ma liste des lieux d’innovation pédagogique à visiter, le laboratoire “La physique autrement” avait une place spéciale : un endroit où des designers·euses collaborent avec des enseignants-chercheurs en physique pour concevoir des expériences d’apprentissage, ça me faisait rêver !
J’ai eu la chance de passer une journée début juin à l’Université Paris-Saclay avec toute l’équipe. Dans cette édition, je vous propose de partir à la rencontre de trois des designeuses du laboratoire. Vous allez découvrir leurs parcours, leurs projets, leurs pratiques du design ainsi que leurs approches pour soutenir l’éclosion et la réalisation de projets d’innovation pédagogique et de vulgarisation scientifique. Cet article devrait vous donner l’envie de recruter des designers pour vos projets !
Temps de lecture : 16 minutes
En novembre dernier, j’ai réalisé un snapshot de Julien Bobroff, physicien et professeur à l'Université Paris-Saclay. La particularité de Julien, c’est qu’il s’entoure de designers et utilise des méthodologies collaboratives pour développer des innovations pédagogiques ainsi que des projets de vulgarisation scientifique.
Lorsque j’ai discuté avec lui, la seule question qui n’a pas été retranscrite publiquement dans notre entretien était : “Quand est-ce que je peux venir découvrir le labo ?”
C’est finalement au début de ce mois de juin que j’ai eu l’occasion de passer une journée au sein du laboratoire “La physique autrement” de l’Université Paris-Saclay.
Dans cet article, je vous propose de rencontrer trois designers – designeuses, en fait ! – de l’équipe de Julien pour comprendre leurs rôles respectifs, leurs pratiques du design ainsi que leurs approches de développement de projets d’innovation pédagogique et de vulgarisation scientifique.
Avant d’aller à leur rencontre, j’ai tout de même posé deux questions à Julien sur la genèse de ces interactions peu communes entre physiciens et designers.
Pourquoi as-tu commencé à collaborer avec des designers dans tes activités d'enseignement et de vulgarisation ?
Au départ, c'était pour m'aider à améliorer mes outils de vulgarisation. Mais très vite, ils et elles m'ont emmené vers d'autres territoires, d'autres formats, d'autres univers. Et côté enseignement, je n'y pensais même pas.
En découvrant les écoles de design et comment on y enseigne, j'ai été conquis ! Et j'ai compris qu'on pouvait transposer plein de leurs pratiques, et même de leurs outils, dans nos propres enseignements de physique, notamment pour repenser les travaux pratiques.
Ce sont les 10 ans du laboratoire "La physique autrement", comment décrirais-tu l’apport des designers durant toutes ces années ?
"La Physique Autrement" n'existerait pas sans les designers.
Tous nos plus de trois cents projets de vulgarisation ont été conçus avec eux. Ils nous ont fait explorer une incroyable variété de solutions pour vulgariser autrement.
Et c'est aussi dans la vie de notre équipe qu'on voit l'apport du design. Non seulement les designers sont là, au quotidien, à nos côtés. Et surtout, nous avons complètement repensé avec elles et eux nos méthodes de travail, nos façons de nous réunir, de brainstormer, d'échanger, de concevoir, de réfléchir... Enfin, même nos enseignements à l'université ont été métamorphosés par le design, les outils, les pratiques...
Mieux encore, dans plusieurs de nos enseignements, nous enseignons maintenant avec des designers !
J’ai d’abord discuté avec Lou-Andreas Etienne. Arrivée dans l’équipe en 2020, c’est la designer à temps plein de l’équipe – les autres étant soit contractuel·le·s, soit en résidence durant une période déterminée. Spécialisée en événementiel et médiation, elle est chargée du montage et de l’accompagnement des projets.
Salut Lou-Andreas ! Pour commencer, peux-tu m’expliquer comment tu as atterri dans ce laboratoire de physique ?
J'ai fait un master en design événementiel et médiation, à vocation culturelle. J’y ai appris à mener un projet de A à Z pour, par exemple, mettre en valeur des connaissances au sein d’un musée en les déclinant pour des publics précis, en organisant des ateliers ou d’autres activités de ce genre.
J’ai découvert le laboratoire durant l’un de mes travaux du master. Je devais faire un entretien avec un ou une professionnelle de la médiation. Je suis tombée sur un article que Julien avait rédigé avec une chercheuse en sciences humaines à propos de l’intérêt de travailler avec des designers sur des sujets scientifiques. C’est comme ça que j’ai rencontré Julien, et que je suis finalement venue travailler ici.
Quel est ton rôle, en tant que designeuse principale dans cette équipe ?
Au début, j’avais surtout des missions de mise en valeur de projets existants et de curation pour créer des expositions ou des événements.
Aujourd’hui, j’accompagne Julien et Frédéric dans leurs projets d’enseignement et de vulgarisation [NDLR : Frédéric Bouquet, physicien enseignant-chercheur, travaille avec Julien depuis la création de l’équipe. Il s’occupe surtout des projets d’enseignement].
Comment se passe la collaboration avec des experts du contenu, ici des physiciens ?
Que ce soit un projet événementiel, de vulgarisation scientifique ou d’enseignement, c’est souvent un processus similaire. Je m’appuie sur eux qui apportent le contenu scientifique ou le savoir. Je vais essayer de trouver un axe général, ou un parti pris, qui va habiller cet événement ou cet enseignement.
Ça se passe souvent sous la forme d’une discussion. Une espèce de ping-pong durant lequel on rebondit sur les idées de l’autre. On tente d’aborder le sujet de plein de manières différentes, en gardant en tête les objectifs pédagogiques ou les buts du projet de vulgarisation. Dès qu’on tombe d’accord sur une approche, on en fait un squelette et ensuite on travaille par itération.
Comment es-tu impliquée, plus concrètement, dans les enseignements ?
J’interviens en amont, dans la préparation, ensuite dans l’encadrement et parfois après l’enseignement, pour le débriefing.
La partie en amont est la plus importante. C’est celle où on choisit ce qu’on va faire. Julien et Frédéric vont être focalisés sur les contenus des enseignements à mettre en place ; je vais les aider à structurer tout cela et à concevoir les différents médias nécessaires pour le cours. Par exemple, dans le projet d’enseignement de la fiction, j’ai imaginé tout l’univers, créé des fausses vidéos, produit l’ensemble des éléments visuels, etc. J’ai aussi élaboré tout un tas d’outils pour soutenir le travail des étudiants comme des story-boards. Bref, je m’occupe de l’emballage visuel du truc (rire).
Ensuite, durant l’enseignement, c’est Julien et Frédéric qui sont les métronomes et assurent le déroulement. J’interviens en fonction des besoins. Par exemple, j’ai déjà fait une présentation sur le design et l’utilité que cela peut avoir pour les étudiants. J’ai aussi une mini-présentation sur le prototypage rapide, en prototypant en direct, pour que les étudiants puissent comprendre l’approche et l’utiliser eux-mêmes. Parfois, je les accompagne un peu dans leur travail en les aidant à rester cohérents dans leurs idées ou en les challengeant.
À la fin, on fait toujours un temps de restitution pour savoir ce qu’ils ont pensé de l’expérience et comment ils l’ont vécue.
Tu parlais de l’emballage visuel... Tu as observé un impact de cet emballage visuel sur les étudiant·e·s ?
On a constaté deux choses plutôt marrantes.
D’abord, le fait de produire quelque chose pour les étudiants, ils le vivent comme un cadeau, une implication importante de l’équipe vis-à-vis d’eux. Ça suscite en réaction un engagement direct de leur part.
Ensuite, le fait d’avoir un univers visuel assez fort, ça les maintient dans le projet. Par exemple, pour l’enseignement à travers la fiction, chaque groupe était pleinement immergé dans son travail, dans son rôle, à travers l’univers créé pour eux, et en oubliait presque la réalité. Le fait d’avoir des badges, des affiches, une identité graphique propre sur tous les documents avait un réel impact sur leur engagement.
Est-ce que, d’une certaine manière, l’enseignement serait plus qualitatif s’il y avait un designer à côté de chaque enseignant·e ?
Clairement !
Ça donnerait beaucoup plus de liberté à l’enseignant qui, aujourd’hui, est une sorte d’homme/femme-orchestre qui doit gérer beaucoup de choses, dont le design de son cours.
Suivre les évolutions des pratiques des apprenants, des codes du graphisme, des fonctionnalités des outils, c’est difficile quand on ne vient pas du monde du design.
Quels ont été tes principaux apprentissages ces dernières années en collaborant sur tous ces projets ?
Apprendre à équilibrer mon investissement en fonction de chaque projet, histoire de ne pas être toujours dans du perfectionnisme 24 heures sur 24.
Et apprendre à prendre du recul, parce que tout ne se passe pas toujours comme prévu. On s’investit parfois énormément dans la préparation d’un enseignement, et finalement ça ne fonctionne pas aussi bien qu’on le pensait. J’ai dû apprendre à avoir de la distance par rapport à ça.
Où est-ce que je peux envoyer mes lecteurs·rices intéressé·e·s par ton travail ?
Le mieux reste le site du laboratoire, ainsi que notre compte Instagram.
Après cette première discussion, dans l’une des salles fermée du laboratoire – la plupart des designers travaillent en espace ouvert –, je tombe sur Juliette et Julien – encore lui – en train de préparer une conférence.
Pendant que Julien “teste” la conférence – avec un dispositif que vous pouvez voir sur la photo ci-dessous –, je discute quelques minutes avec Juliette Nier, actuellement en résidence au laboratoire.
Salut Juliette. Pourrais-tu te présenter ?
Je m’appelle Juliette Nier. Je suis graphiste (rire).
Tu l’as entendu ce matin, Julien n’a pas pu me présenter car… Je ne sais pas moi-même comment me définir : suis-je designer ? Designer graphique ? Graphiste ? J’ai l’impression qu’en France, c’est important de faire la distinction…
Quelle différence fais-tu ?
J'ai l'impression que quand tu es graphiste, tu fais de l'affiche ou du beau livre sans avoir l’attitude de ce qu’on qualifie de “designer” aujourd’hui. C’est-à-dire problématiser ou faire un travail de recherche utilisateur préalable. Le graphiste est plus héritier de l'illustration et des beaux-arts, de la peinture ou du dessin. Il est moins dans une démarche de penser à un système.
Il y a des projets sur lesquels je me sens graphiste, et d’autres où je me sens designer (rire).
C’est lié à mes études. J’ai fait l’École des Arts Décoratifs à Paris. Tu as des cours de peinture, de fresque, de mosaïque, etc. On a tous un profil… Ou au moins… Une pratique d’artiste (rire).
Bref, ça fait que j’ai encore un peu de mal à me définir, même cinq ans après être sortie de l’école.
Comment t’es-tu intéressée à l’utilisation du graphisme pour vulgariser des contenus scientifiques ?
Je pense que je suis allée en graphisme parce que je voulais faire de la didactique visuelle et de l'infographie.
En quelque sorte, je voulais plus m’axer sur le message que sur le “beau”. C’est caricatural, mais j’ai été très vite attirée par l’usage du graphisme pour mettre en forme de l’information, et surtout de l’information complexe.
En dernière année, j’ai eu un projet à réaliser. C’était très libre tant sur le fond que sur la forme. À l’époque, c’était juste après l’élection de Donald Trump, on parlait beaucoup des fake news. Ça m’a donné l’envie de fabriquer un outil à destination des journalistes et des YouTubeurs pour leur permettre d’expliquer les faits géopolitiques.
J’ai commencé à prendre des articles de journaux dans la presse, et à les traduire en petits objets manipulables. Je voulais les donner à des journalistes, mais je n’ai pas eu le cran d’aller les démarcher. Ça s’est alors transformé en quelque chose que je n’avais pas prévu : c’est moi qui ai vulgarisé l’information, et j’ai travaillé avec une marionnettiste qui activait les objets.
Donc c’est un projet d’outil qui s’est transformé en projet de vulgarisation.
Et comment es-tu arrivée ensuite au sein de l’équipe “La physique autrement” ?
Ça fait presque cinq ans que je travaille. Et même si je partageais un bureau avec des copains graphistes, je me sentais un peu seule dans mon boulot. Et encore plus dans cette partie de médiation scientifique. J’étais frustrée de penser tout, toute seule, alors que ce n'était pas mon but initial. C’était une des motivations à venir ici.
J’ai rencontré l’équipe il y a un an, en passant une journée avec eux. Un peu comme toi ! Et j’avais adoré. Après, j’ai répondu à un appel à résidence.
J’avais déjà fait d’autres résidences. Mais pour la première fois, j’ai retrouvé ce que je voulais faire au départ : créer des outils pour que quelqu'un d'autre s'exprime avec et explique des choses. Ici, je dessine les outils et c’est Julien qui les emploie durant sa conférence.
Comment as-tu trouvé le projet sur lequel tu allais travailler durant cette résidence ?
Au début, avec Alice, l’autre résidente, on a eu un moment de flottement, car on ne savait pas trop vers quel sujet aller ni comment faire.
Assez vite, j’ai dit à Julien : “Si tu veux, tu m’expliques un truc, un petit truc, n’importe quoi. Et moi, je te fais des objets avec du papier.” J’ai prototypé quelque chose super vite, on a testé avec un téléphone. On a fait ça en une journée. Moi, j’étais trop contente de voir quelqu’un rendre mes objets vivants, et lui s’est trop amusé avec. On s’est dit : “Ok ! On fait ça !”.
Ensuite, il m’a dit : “Maintenant, il faut que tu choisisses le sujet de ces explications”. Directement, j’ai pensé à ce qu’il m’avait raconté sur le magnétisme et le fonctionnement des aimants. L’intérêt, c’est qu’il y a plein d’histoire des sciences qui se croisent autour du fonctionnement des aimants.
Ça a lancé le projet que tu vois là, et qu’on va jouer sur scène pour la première fois lundi.
L’idée, c’est une conférence durant laquelle Julien manipule les objets, et le public vote à différents moments. Tout est dans des pochettes. Et chaque pochette correspond à une histoire. Le public vote, et Julien récupère une pochette. Dans chacune, il y a tous les outils pour raconter l'histoire. Comme tu le vois, il y a des images, des objets, des flèches, etc.
Comment est-ce que ça s’est passé, la collaboration avec Julien, pour concevoir cette conférence ?
Ça a été assez rapide !
Par mes différents projets précédents, Julien connaissait déjà mon travail. Il savait comment je dessinais. Ça a facilité la discussion.
J’ai aussi appris en observant Julien. Par exemple, en allant le voir en conférence, j’ai découvert comment il parlait, se déplaçait, racontait les histoires… J’ai commencé à concevoir des outils qui correspondaient à ses pratiques.
Après, on fonctionne par des discussions, de l’itération et du test.
D’ailleurs, ça a été un gros apprentissage pour moi : prototyper sans vouloir trop finaliser, sans être trop perfectionniste. Souvent, je me retrouvais à passer une semaine à produire des jolis objets bien finis. Et une fois qu’on les testait… (Rire) Typiquement, la pochette qui m’a pris le plus de temps à produire, notamment parce qu’il y avait plein de petites flèches et tout. On l’a testée, et à ce moment-là, Julien m’a dit : “Non, on ne le fait plus”. Du coup, ça a sauté !
J’ai réellement appris à prototyper plus rapidement pour me rendre compte plus vite de ce qui fonctionnerait et ce qui ne fonctionnerait pas.
Comment est-ce que vous menez ces tests de conférence ?
On se met vraiment en situation de conférence ! On filme, on regarde ce que ça donne à l’écran, on enregistre et on analyse ensuite.
Vous avez un script pour cette conférence ?
On n’a pas de script. Mais on a fait une sorte de mind map, histoire d’avoir un fil conducteur. Et ça permet pas mal de versions possibles de la conférence.
Je sens ton enthousiasme en me montrant tout ça !
Oui, je pense que c’est vraiment ce que j’attendais ! Me décharger du récit et de la performance.
En plus, je ne suis experte de rien (rire). Plus sérieusement, je n’ai rien à vulgariser. Par le passé, je devais faire des recherches sur le sujet pour moi-même expliquer des trucs.
J’ai l'impression de retrouver ma place de designer en voyant quelqu'un d'autre s'emparer des outils que je lui ai produits.
Comment est-ce que tu continues à t’inspirer aujourd’hui ?
C’est une question qu’on me pose souvent.
Je dirais que c’est à travers des choses assez basiques : aller à des expositions, au cinéma ou à des spectacles. Et je suis attentive aux formes de médiation, de vulgarisation. Je regarde aussi des vidéos de personnes qui font de la vulgarisation, pour analyser leurs pratiques.
Après, je continue à faire de la veille graphique, à travers des revues et sur Internet.
Où est-ce que mes lecteurs·rices peuvent suivre tes activités ?
Il y a mon site web ainsi que mon compte Instagram.
Lorsque j’ouvre délicatement la porte d’un autre espace fermé, le studio d’enregistrement, je découvre Alice Roux, designeuse en résidence, en train de prendre en photo des morceaux de bouteille en plastique.
Je l’interromps dans son travail pour discuter quelques minutes avec elle.
Salut Alice ! Désolé de te déranger en pleine séance photo. Avant d’en savoir plus sur toi, peux-tu me dire ce que tu es en train de faire ?
Là, je produis des vidéos stop motion pour expliquer des machines de physique en utilisant des bouteilles en plastique.
Il va falloir que tu m’expliques ça (rire). Mais d’abord, qui es-tu et quel est ton parcours ?
Je suis Alice Roux. À la base, j’ai une formation de designer produit, design d’objet.
J’ai travaillé dans différentes agences, et notamment une qui concevait des aires de jeux pour enfants ainsi que des parcs d’attractions. J’étais frustrée par le manque de temps que nous avions pour gérer les projets. J’aime bien aller en profondeur des choses, remettre en question un brief, challenger les idées reçues. Mais en agence, ce n’était pas l’endroit idéal. Je trouvais aussi qu’il manquait notamment une réflexion sur les matériaux employés et sur l’écoresponsabilité en général.
J’ai quitté ce monde-là, je me suis mise en indépendante et j’ai découvert le monde des résidences. J’aime le fait de mener un projet à fond durant une petite période, et ensuite de passer à autre chose.
J’ai eu la chance d’en faire une première, l’année passée, en Corse. J’ai travaillé, avec un chimiste, sur la création de matériaux à base de résine de pin et des ressources du territoire en cherchant, justement, à les valoriser. Le chimiste aidait à améliorer la résine de pin en tant que telle ; moi j’essayais de voir comment l’utiliser dans des objets. C’était un partenariat avec un fablab. Je voulais m’inspirer de savoir-faire ancestraux pour les actualiser avec les machines technologiques qu'on a aujourd'hui.
J’aime bien mêler les disciplines, c’est pour ça que ça m’intéressait de travailler ici. Combiner design, sciences, pédagogie et tout ça. J'aime ce lien entre les différents métiers.
Comment es-tu finalement arrivée dans le laboratoire ?
Je ne connaissais pas l’équipe. Je suis tombée sur l’appel à résidence à un moment où je cherchais des projets, et j’ai postulé !
Si simple ! (Rire) Et tu avais déjà un projet en tête, ou une demande de la part de l’équipe ?
Pas du tout !
D’abord, le laboratoire n’impose rien. C’est le ou la designer qui prend le temps de concevoir son projet. Et, en arrivant, je n’avais pas de projet concret en tête. Je savais que je voulais faire quelque chose en lien avec la physique, ça tout de même (rire). Et je voulais trouver un rapport à la matière et aux objets du quotidien.
Du coup, on a commencé à explorer la piste de l’utilisation des objets du quotidien pour expliquer des choses. Mais, après, il y a eu tous les questionnements associés : quel objet ? Pourquoi l’utiliser ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Cette phase exploratoire a été super longue. Ça ne fait pas très longtemps que j’ai réussi à bien définir mon projet.
Au départ, j’ai choisi les bouteilles d’eau. Elles offrent la possibilité de se décliner sous plein de formes, des grosses comme des petites, de créer des particules, etc.
Ensuite, j’ai eu envie de tester la vidéo, parce que ça me touchait et que je n’avais jamais réellement eu l’occasion de travailler avec ce média.
Et finalement, il y a eu le sujet : les machines du monde de la physique ! Elles sont opaques, on ne sait pas trop ce qu’il se passe à l’intérieur. Elles font contraste avec les bouteilles d’eau qui sont transparentes et créent des reflets.
Comment es-tu arrivée à ce sujet des machines ?
Julien m’a partagé tout un tas de thématiques, au fil des jours. Et c’est lorsqu’il s’est mis à m’expliquer les machines qu’on s’est dit qu’il y avait quelque chose d’intéressant.
J’aime beaucoup la mécanique (rire). À la base, je voulais même faire des objets mécaniques à manivelle, des trucs où on voyait le fonctionnement des machines et du mécanisme.
Dans nos interactions, Julien m’a dit que ça pouvait être intéressant de produire des explications sur le fonctionnement des machines. Une sorte de mode d’emploi, comme chez Ikea. Ça a un côté absurde, car c’est impossible de monter une machine comme cela soi-même, mais c’est ce décalage qu’on trouvait intéressant. Faire un tutoriel de “Do it yourself” pour expliquer quelque chose de beaucoup plus complexe.
La plupart des gens ne savent pas du tout que ces machines existent. Moi, la première, je n'avais jamais entendu tous les noms de ces machines. Donc expliquer ces machines et leur fonctionnement en vidéo, ça m'intéressait.
Quel a été ton processus de conception de vidéo, surtout pour réussir à combiner les dimensions scientifiques et artistiques ?
On commence toujours par un moment durant lequel Julien m’explique une machine : à quoi sert-elle ? Comment fonctionne-t-elle ? Pourquoi existe-t-elle ? Ensuite, j’en fais un storyboard. Ça me permet de synthétiser ce que j’en comprends en tant que novice. En parallèle, je fais des recherches avec les bouteilles pour voir comment je vais expliquer chaque élément.
Après, ce sont des allers-retours avec Julien ou d’autres designers sur les éléments essentiels, les éléments à enlever, les reformulations du contenu. Le travail de synthèse est très important, car il n’y a pas de voix off dans mes vidéos. Ce n’est que du texte qui accompagne le stop motion.
Après, il y a la phase de production, soit par série de photos, soit en vidéo. Je mélange les techniques. Et tout se joue au montage, par l’assemblage et l’ajout de quelques éléments comme des flèches. J’essaie de varier le rythme pour garder une bonne dynamique. Et je rajoute aussi beaucoup de sound design pour habiller la vidéo.
Est-ce que tu testes tes vidéos afin de savoir si elles sont compréhensibles ?
Sur le contenu, il y a un premier filtre avec ma propre analyse : est-ce que, moi-même, je serais en mesure de comprendre quelque chose si je regardais la vidéo ? Je suis la cible de mes vidéos finalement ! Même si je suis un peu biaisée.
Du coup, j’ai vraiment utilisé une approche de designer, car je n’avais aucune expérience en physique ni en matière de réalisation de vidéo. Dès que j’ai réalisé ma première vidéo, je l'ai montrée autour de moi pour voir si les gens comprenaient. C’est censé être pour le grand public, donc j’ai pris les gens que j’avais autour de moi.
Résultat : il y avait certains trucs qu'ils ne comprenaient pas du tout et d’autres qu'ils comprenaient. J’ai adapté en fonction de ces retours.
Et il y a aussi un premier filtre avec ma propre analyse : est-ce que, moi-même, je serais en mesure de comprendre quelque chose si je regardais la vidéo ? Je suis la cible de mes vidéos finalement ! Même si je suis un peu biaisée.
Où est-ce que mes lecteurs·rices peuvent suivre tes activités ?
On vient de publier en ligne le résultat de ce projet “Labo-machines”. Et sinon, cela se passe sur mon site personnel, et surtout mon compte Instagram.
📑 Apprendre de la nature ? Enjeux pour la pédagogie dans l’enseignement supérieur
En matière de veille scientifique, j’aime suivre ce qu’il se passe dans les colloques, car les chercheurs·euses viennent y présenter des travaux récents qui ne seront souvent publiés qu’une à deux années plus tard. Début juin, c’est la dernière édition du colloque “Questions de Pédagogie dans l’Enseignement supérieur” qui a attiré mon attention. Elle portrait sur les relations entre les enjeux environnementaux et l’enseignement supérieur : place dans les programmes, objet de développement de compétences, interactions des étudiant·e·s et des enseignant·e·s avec leurs environnements physiques, naturels et sociaux, impact des politiques institutionnelles sur l’enseignement dans un contexte en évolution, etc. L’évènement compte près de 80 contributions qui mêlent recherches scientifiques, retours d’expérience et réflexions pédagogiques. Toutes, dont le travail de l’équipe “La physique autrement” sur l’enseignement de la physique dans la forêt, sont disponibles sous la forme de courts textes en accès libre.
👩🏫 Un cours pour “apprendre à prompter”
Un prompt, c’est une phrase (ou parfois un ensemble de phrases) qui permet de faire une requête à une intelligence artificielle. Que ce soit pour obtenir une image sur Midjourney ou une réponse de la part de ChatGPT, la qualité de votre prompt influence directement la qualité des propositions de l’intelligence artificielle. Dans ce cours gratuit proposé par la plateforme Coursera, vous allez découvrir comment utiliser efficacement les modèles de langage pour des activités professionnelles ou personnelles. C’est gratuit, et cela ne nécessite aucune connaissance technique particulière !
🎙️ Comment engager les utilisateurs·rices ?
Cette ressource a été partagée par Mélina Dupont lors d’une session d’échange de pratiques de conception pédagogique au sein de la communauté qui m’accompagne sur l’écriture du livre. Dans cet épisode de podcast, la designeuse Liv Danthon Lefebvre partage ses techniques pour engager les utilisateurs·rices dans l’utilisation d’une interface, la réalisation d’un comportement, etc. Parmi celles-ci, elle mobilise le modèle de Fogg, un modèle comportemental qui explique les raisons pour lesquelles un comportement est mis en œuvre ou non par une personne. Selon celui-ci, pour qu’un comportement se produise, il est nécessaire de combiner trois éléments : la motivation à réaliser l’action, l’aptitude à l’accomplir et enfin un déclencheur qui incite à faire l’action. Un modèle à découvrir pour créer un engagement réel de vos participant·e·s dans vos expériences d’apprentissage et/ou favoriser l’adoption de certains comportements.
Excellent cette thématique !!