Cultiver sa curiosité et rester dans une démarche d'apprentissage continu 🌱
learnability 45 · Snapshot de David Vellut, psychologue, médiateur scientifique et conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab
Bonjour à tou·te·s 👋
Ça y est ! Je vous ai partagé mon parcours au fil des éditions : j’ai (enfin) obtenu mon permis de conduire (à 35 ans, pour celles et ceux qui se poseraient la question) 🥳
Au-delà du résultat, c’était un processus de formation et d’apprentissage intéressant à analyser en tant que concepteur d’expériences d’apprentissage. Car le parcours d’obtention du permis se compose d’une série d’étapes plus variées les uns que les autres : apprentissage de la théorie (dans un manuel et via une plateforme d’exercices en ligne), examen du permis théorique (sur ordinateur), apprentissage de la pratique (30 heures de conduite en auto-école dans mon cas), formation aux premiers secours en route (hybride, combinant un parcours e-learning et d’une séance en présentiel), apprentissage des risques (en autoformation sur des vidéos YouTube, car il n’existe aucun support), examen de perception des risques (sur ordinateur), examen du permis pratique (sur route). Une fois le permis en poche, j’ai même dû suivre un micro-parcours en ligne composé d’une vidéo et d’un questionnaire à choix multiples pour louer une voiture via le service Cambio.
Et parmi les pratiques plus personnelles, l’un des supports qui m’a le plus aidé est une chaîne YouTube qui présente et analyse des parcours d’examen (ça fait du lien avec l’une des ressources de cette édition !). Dès que je n’étais pas sur la route, j’enchaînais les vidéos pour (re)faire les parcours. J’ai presque l’impression que ça a été l’un des principaux ingrédients de ma réussite.
Un long parcours donc, sur lequel j’essaierai de porter un regard réflexif dans une prochaine édition. Si vous avez des anecdotes liées à votre propre expérience de l’apprentissage de la conduite, envoyez-les moi en répondant à cet e-mail. Ça alimentera cette future édition !
Cette semaine, je vous propose un snapshot fascinant ! D’ailleurs, si vous n’avez pas 15 minutes devant vous ni un carnet à portée de main, reportez sa lecture à un moment plus opportun, car sa richesse et sa densité nécessitent de prendre le temps. Je reçois David Vellut, conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab, auteur d’une newsletter et d’un blog de vulgarisation scientifique sur le Learning & Development, conférencier et formateur. Il vous partage son quotidien professionnel et personnel, son parcours de plus de 15 ans dans le monde de l’enseignement et de la formation ainsi que ses réflexions sur les enjeux actuels et futurs pour améliorer la qualité des apprentissages.
Bonne lecture,
Nicolas.
Temps de lecture : 15 minutes
David, c’est avant tout une rencontre via les réseaux. Je ne sais plus qui a fait le premier pas ni quand. Mais on se suivait sur Twitter, on échangeait nos points de vue publiquement et on a finalement commencé à discuter par messages privés.
Début 2022, en lisant quelques questionnements que je partageais sur Twitter, il me propose une première discussion de vive voix “pour jouer la chambre à échos”. La session est constructive, et me permet surtout de découvrir un peu plus David.
Début 2023, on décide de se planifier un moment d’échange bimensuel d’une heure – qui se transforme le plus souvent en deux heures. On discute de nos activités, de nos positionnements, de nos avenirs, de nos envies, etc. Les discussions sont enrichissantes et nous aident à nous développer.
Finalement, toutes ces sessions aboutissent à la volonté de construire un projet commun. On cadre, on réfléchit, on lance des idées et on itère. On a enfin le projet, il se construit peu à peu et on vous le présentera d’ici quelques semaines – car ça vous intéressera, j’en suis sûr !
Mais ne croyez pas que ce snapshot soit une manière détournée de vous présenter un nouveau complice. Ma demande initiale remonte à la mi-mars – bien avant d’avoir de brillantes idées ensemble. Mon objectif était simple : vous permettre de découvrir David – si vous ne le connaissiez pas encore – et d’en savoir plus sur lui – si vous le suiviez déjà.
Ce snapshot est très riche, car David aime partager ses explorations et apprentissages. Cela se voit d’ailleurs à travers ses différentes activités : conseiller pédagogique dans l’enseignement supérieur, médiateur scientifique à travers une newsletter et un blog, conférencier et formateur. Malgré cela, il réalise chaque projet avec rigueur et profondeur. Dans une approche evidence-based, toutes ses actions sont appuyées par des études scientifiques. J’imagine qu’une question émergera au fil de votre lecture : “Mais où trouve-t-il le temps pour faire tout cela ?” Il offre quelques réponses dans la description de sa journée typique, mais le mystère reste entier.
C’est un réel plaisir de vous proposer ce snapshot. J’espère qu’il vous inspirera autant que moi !
Salut David ! Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?
Je m’appelle David Vellut, j’ai 38 ans. Je suis psychologue, spécialisé en psychologie des apprentissages et du développement humain. Actuellement, je travaille comme conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab (LLL), le service d’innovation pédagogique et de soutien à l’enseignement de l’UCLouvain. J’y accompagne des équipes d’enseignantes et d’enseignants dans la conception de dispositifs hybrides et à distance. Je suis également co-auteur d’un ouvrage de vulgarisation pédagogique intitulé “Enseigner à distance : Cinq balises pour vous lancer” récemment publié aux Presses universitaires de Louvain.
Ça, c’est pour le volet principal ! Mais étant donné que je suis un incorrigible curieux, je multiplie mes centres d’intérêt. En particulier, j’adore écrire ! Je publie une newsletter bimensuelle dans laquelle je vulgarise une actualité scientifique récente qui touche de près ou de loin au Learning & Development, c’est-à-dire tout ce qui concerne l’apprentissage et le développement des compétences. Quand j’en ai le temps, je publie des articles de fond sur mon blog. Et j’interviens aussi comme formateur ou conférencier sur ces thématiques.
Sur un volet plus personnel, mon épouse et moi-même sommes en cours d’un processus d’adoption internationale. À mes heures perdues, j’aime me plonger dans les littératures de l’imaginaire comme la fantasy ou la science-fiction. Je me passionne aussi pour la musique classique et je chante au sein des Chœurs de l’Union Européenne dans le pupitre des barytons.
Qu’est-ce qui t’a amené au monde de l’enseignement et de la formation ?
J’y suis tombé pour la première fois en 2003, à l’âge de 18 ans.
À cette époque, je ne savais pas comment m’orienter au niveau de mes études supérieures. J’ai alors eu l’idée d’ouvrir mes horizons et de partir réaliser un projet de volontariat à l’étranger. Je me suis envolé pour 6 mois au Mexique où j’ai contribué à l’enseignement de cours d’anglais et d’informatique dans une petite école de la banlieue de Puebla, au sud-est de Mexico.
De toute ma vie, c’est certainement l’une des expériences les plus marquantes et qui a constitué un point de bascule décisif en matière de développement personnel. Que ce soit dans ma capacité d’adaptation, d’apprentissage et d’interaction avec les autres, j’ai eu le sentiment de renaître et d’avoir une perspective d’avenir. Il ne se passe pas un jour sans que j’y repense.
À mon retour, je me suis lancé dans des études en psychologie. En parallèle, je me suis investi comme bénévole au sein d’AFS, l’association avec laquelle j’étais parti. J’y animais des formations en éducation citoyenne et interculturelle. C’est vraiment à cette période que j’ai développé un intérêt prononcé pour la pédagogie, la formation et l’animation de groupes.
Après avoir terminé mes études en 2008, j’ai eu l’occasion de participer à deux projets de recherche à l’UCLouvain. Le premier concernait l’évaluation de la qualité des enseignements et des apprentissages. Le second s’orientait plutôt sur l’efficacité des dispositifs de formation en entreprise.
Par la suite, j’ai tenté l’aventure de l’entrepreneuriat et j’ai travaillé plusieurs années comme freelance, notamment dans tout ce qui touchait au développement des compétences liées à la formation : ingénierie pédagogique, conception de supports multimédia, techniques d’animation ludiques et participatives, digital learning, etc.
Et puis, quelques années plus tard, me revoilà à l’UCLouvain !
Comment expliques-tu ce que tu fais si un·e inconnu·e te le demande lors d’une soirée ?
Alors là, c’est un challenge ! (rires)
Généralement, pour faire simple, je dis que j’accompagne des profs d’université à créer leurs cours en ligne. Et qu’à côté de ça, je partage des contenus, comme des articles de blog et une newsletter.
Si la personne en face me répond “Ah, ok…” et que ça ne percute pas plus que ça, je change de sujet (rires).
Si je sens qu’il y a une marque d’intérêt, alors j’entre un peu plus dans les détails. Évidemment, c’est aussi en fonction de la sensibilité de la personne en face de moi concernant la psychopédagogie et le digital learning. J’aborde notamment le fait que l’accompagnement que je propose vise l’hybridation des parcours d’enseignement et pas seulement du pur distanciel. Et que j’essaie au maximum de partir sur une approche de prototypage centrée sur les personnes apprenantes.
Enfin, si je vois que la personne est vraiment emballée par ce que je raconte, alors je n’hésite plus à dire que je suis aussi passionné par tout ce qui touche plus généralement aux apprentissages et au développement des compétences à travers des sujets comme la motivation, la métacognition, les états d’esprit, etc. Je lui explique aussi que j’anime des formations et des conférences sur ces sujets.
Mais en général, à moins d’être face à une personne avertie et travaillant dans le monde de l’enseignement ou de la formation, j’essaie d’éviter des termes tels que “learning experience design”, “learning and development”, etc. Même s’ils reflètent bien mes compétences et mes centres d’intérêt, ils font malheureusement encore trop office de jargon dans le milieu.
À quoi ressemble une journée de travail typique ?
Le contenu de mes journées peut varier en fonction des besoins et priorités du moment. Mais j’essaie autant que possible de garder une structure similaire en tenant compte de mon rythme biologique.
Ma routine du matin est inspirée de manière non exclusive par Andrew Huberman : je me lève la plupart du temps vers 6h30 et je commence ma journée par un grand verre d’eau salée avec un demi-citron pressé, suivi d’une méditation d’une dizaine de minutes avec Headspace. Puis j’enchaine avec un café et une séance d’exercice physique de 30 à 40 minutes. Je varie ces séances chaque jour en alternant des séances de type HIIT – sur base d’un entraînement personnalisé avec l’app Seven – et des séances de renforcement musculaire. Pratiquant le jeûne intermittent de type 16-8, je ne déjeune pas le matin.
Ensuite, je me mets en route vers 8h30. J’ai la chance de vivre à 15 minutes à pied du Louvain Learning Lab. J’essaie autant que possible de prioriser en matinée les tâches et activités qui nécessitent un haut niveau de concentration et d’engagement, en mode “deep work” : typiquement des travaux de production, de rédaction ou de conception. J’essaie ensuite de consacrer mes après-midi aux rendez-vous, réunions et sessions d’accompagnement. Je programme aussi les suivis comme la gestion des demandes par e-mail ainsi que les tâches moins accaparantes d’un point de vue cognitif comme la veille scientifique.
Pour finir ma journée, je rentre chez moi grosso modo entre 18h00 et 18h30. Je déconnecte tout. Enfin, je fais de mon mieux (rires). Mes soirées sont souvent consacrées à la lecture, principalement de la fiction, avant l'extinction des feux vers 22h30.
À quoi ressemble ton espace de travail ?
Étant donné que je travaille à distance deux jours par semaine, j’ai deux espaces de travail principaux : l’un chez moi et l’autre au LLL. Si les deux espaces diffèrent par certains aspects – c’est un bureau partagé en open space au LLL –, j’essaie de garder une configuration similaire au niveau de la disposition des écrans, comme on peut le voir dans les photos.
Mon setup “mobile” inclut un MacBook Pro M1, un iPad Pro 11 pouces ainsi qu’un ensemble clavier, souris et trackpad d’Apple. Pour m’aider à me concentrer, je compte sur mon fidèle casque audio Bose QC45. Je transporte tout ce petit monde dans un sac à dos eBags “Pro Slim Laptop Backpack”.
Plus spécifiquement chez moi, je dispose d’un bureau assis-debout Fully Jarvis, d’un écran LG 27 pouces et d’un siège Secretlab TITAN Evo. Je travaille également en configuration double écran au LLL.
Concernant les applications que j’utilise au quotidien, j’adopte une approche minimaliste. Dans le sens où j’essaie, autant que possible, d’utiliser les applications par défaut de macOS, iOS et la suite Office 365 installée sur tout ordinateur fourni par l’université. Cette approche me permet à la fois de rationaliser les coûts et d’éviter de passer mon temps à switcher dès qu’un nouvel outil alléchant pointe le bout de son nez, même si j’avoue que c’est parfois difficile et tentant !
Au quotidien, en dehors des applications natives, j’utilise Notion pour les aspects liés à la gestion de projets, la création de contenus et ma base de connaissances dans une approche de “second cerveau”. Pour centraliser et gérer ma veille, j’utilise depuis plusieurs mois Readwise et son petit frère Readwise Reader, ainsi que les alertes Google Scholar pour rester à l'affût des dernières publications scientifiques.
J’adopte aussi une logique de minimalisme pédagonumérique dans mes formations et mes accompagnements. Par défaut, je privilégie les outils intégrés aux plateformes dont nous disposons en interne comme edX Studio, Moodle et Teams. Dans les cas où ça se justifie et où ça apporte une réelle plus-value, je travaille aussi avec des outils tels que Miro, Classroomscreen, Padlet, Wooclap, Wooflash, H5P et Genial.ly.
Pourrais-tu décrire ton processus de travail et la réflexion qui le sous-tend ?
Pour répondre à cette question, je vais décomposer ma réponse en deux parties : d’abord pour tout ce qui concerne les accompagnements pédagogiques, et ensuite pour tout ce qui concerne ma casquette de créateur de contenus.
Dans le cadre d’accompagnements pédagogiques, quand je démarre un nouveau projet avec une équipe d’enseignement, ça se passe souvent en trois temps.
Tout d’abord, j’organise une réunion “kick-off”. Même si la plupart du temps on s’est déjà rencontré précédemment, je trouve nécessaire de prendre un moment pour faire le point avant de se lancer : leurs objectifs, leurs enjeux, leurs deadlines et leur public cible. J’en profite aussi pour clarifier mon rôle dans le projet ainsi que l’approche d’organisation et de travail que je propose, inspirée de manière non exclusive et non exhaustive de plusieurs méthodes d’innovation et d’amélioration continue : scrum, lean startup, design sprint, design thinking, etc.
Une fois tout ça clarifié, je les invite à dresser une première version de table des matières en partant de leurs objectifs d'apprentissage et de leurs contenus. Je les aide ensuite à préciser, structurer et parfois reformuler certains titres et sous-titres. On en profite pour mettre cette table des matières côte à côte avec les objectifs d’apprentissage visés afin de s’assurer de la cohérence entre les deux. Puis, une fois qu’on est relativement satisfaits de la structure du cours – même si elle évoluera encore –, je leur propose de choisir un module, souvent le premier dans l’ordre, et de se focaliser sur la création de celui-ci.
À partir de là, on adopte une organisation de travail itérative : on se fixe un moment hebdomadaire d’environ 30 minutes pour faire le point où l’on partage ce qu’on a créé ou implémenté dans la plateforme d’apprentissage (LMS), ce qui pose problème, les objectifs pour la semaine qui vient… Et on avance par itération successive jusqu’à obtenir un premier module satisfaisant, puis on enchaîne avec un deuxième, etc. C’est une approche clairement orientée “prototypage” : pas de long cahier des charges dans Word ou des tableaux Excel à rallonge. On implémente le plus rapidement possible dans le LMS et on voit ce que ça donne, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, les contraintes de la plateforme ainsi que ses possibilités.
Ça, c’est pour le volet lié aux accompagnements pédagogiques.
En ce qui concerne ma casquette de créateur de contenus, j’essaie de trouver une heure chaque jour pour me consacrer à l’écriture. C’est souvent le matin, avant d’aller au bureau. En raison des projets personnels – comme l’adoption – et professionnels du côté du LLL, cette routine est mise à mal depuis plusieurs mois, ce qui explique la relative stagnation de mon blog. Mais je m’étonne moi-même d’arriver à maintenir la régularité et le rythme bimensuel de ma newsletter, en sachant que la préparation de chaque édition me prend entre 3 à 4 heures de travail.
Du côté des articles de fond sur mon blog, les sujets sont souvent inspirés de la veille que je fais au quotidien. Dès que je repère un sujet qui titille ma curiosité, j’effectue une mini-revue de littérature en m’aidant de Google Scholar et Elicit. Je passe en revue les articles scientifiques les plus pertinents et les plus intéressants. Ensuite, sur base d’un modèle Notion, je crée une première structure avec le titre, les sous-titres et les points clés du contenu. Ça me donne rapidement un premier brouillon. Je peaufine, puis je passe à l’édition : je mets en forme, crée des visuels, etc. Quand tout est prêt, j’implémente sur WordPress. En comptant une heure de travail par jour, un article de blog de 2 500 à 3 000 mots me prend environ deux semaines à rédiger.
Quels sont les challenges pédagogiques auxquels tu fais face ?
Il y en a beaucoup, mais j’en observe trois principaux, communs à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle.
Le premier, c’est de faire prendre conscience aux équipes pédagogiques de la nécessité d’inclure les personnes apprenantes dans le processus de conception, et de partir de leurs problèmes et besoins. Dans mes accompagnements à l’UCLouvain, je suis déjà heureux de pouvoir adopter une démarche plus agile, mais j’espère pouvoir un jour convaincre les enseignantes et les enseignants de concevoir leurs cours en incluant dès le départ des étudiantes et des étudiants dans le processus.
Le deuxième, c’est d’arriver à switcher l’état d’esprit des équipes pédagogiques sur le fait qu’un cours en ligne n’est pas une succession de vidéos, mais un ensemble articulé d’activités pédagogiques et de ressources dont les vidéos ne constituent qu’une partie. En somme, c’est de les amener à se poser la question : “Qu’est-ce que je veux que mes étudiantes et étudiants fassent ?” plutôt que “Qu’est-ce que je veux leur transmettre ?” Je finis souvent par y arriver en cours de route, mais c’est un état d’esprit parfois long et laborieux à développer.
Enfin, le troisième, lié au précédent, c’est de les sensibiliser au fait qu’un cours en ligne n’est pas une autoformation. La plupart des équipes s’imaginent qu’une fois leur cours produit, ils n’auront plus besoin de gérer les membres de la communauté d’apprentissage. Or, on sait que sans présence enseignante – par de l’accompagnement, du soutien, ou du tutorat –, la grande majorité des personnes apprenantes se retrouvent perdues et peu engagées dans le processus d’apprentissage.
De quel projet es-tu le plus fier ?
Je me permets de tricher et d’en citer deux (rires).
Le premier, c’est le parcours de sensibilisation et de formation en éducation citoyenne et interculturelle que j’évoquais plus tôt. Avec un groupe de volontaires, nous avons remanié de fond en comble ce parcours de préparation pour les jeunes partant faire du volontariat à l’étranger. Lors de la première édition, nous avons fait toutes les bêtises possibles et imaginables en matière d’animation et de gestion de groupe. J’ai honte rien que d’y repenser ! Puis nous avons tiré les leçons de nos erreurs, nous nous sommes formés, et nous avons réussi à obtenir des résultats vraiment très chouettes en matière d’engagement. Avec le recul, je suis fier de la qualité de ce que nous proposions, alors que la plupart d’entre nous étions encore aux études, sans réel bagage pédagogique ni expérience dans la formation et l’animation de groupes.
Le second, c’est le MOOC “Spiritualités et interculturalité en contexte de soins” produit par une équipe de la faculté de théologie et d’étude des religions de l’UCLouvain. C’était leur première expérience en matière de digital learning, et je me rappelle qu’ils étaient assez flippés par rapport à ce projet, notamment en raison de leur méconnaissance du format. À travers l’accompagnement, ils ont réussi à dépasser leurs craintes, à se laisser guider pas à pas et ils ont fait preuve d’une ouverture d’esprit remarquable. Au bout du compte, il s’agit d’un des MOOCs les plus aboutis que j’ai eu la chance de pouvoir accompagner, que ce soit en matière de séquençage, de variété de supports et d’activités d’apprentissage.
Qu’est-ce que tu penses avoir compris sur le milieu de la formation que peu de gens semblent avoir compris ?
À ce jour, mon expérience m’a appris au moins 4 choses, mais je ne prétends pas être le seul à en avoir pris conscience (rires).
La première : on ne crée pas d’expérience d’apprentissage sans s’intéresser à ses principaux bénéficiaires, c’est-à-dire les personnes apprenantes. S’intéresser aux méthodes d’innovation et d’amélioration continue, comme les méthodes agiles et le design thinking ainsi qu’au processus de learning experience design me semble devenir une réelle nécessité.
La deuxième : la formation n’est pas le seul moyen d’apprendre. Il existe aujourd'hui tellement d’autres occasions et manières de développer ses compétences. Rester dans une logique de “catalogue de formations” n’est donc, à mon sens, plus suffisant et il serait judicieux de diversifier les modalités : coaching, tutorat, possibilité d’autoformation, intervisions individuelles ou en équipes, etc.
La troisième : trop de pédagogie tue la pédagogie. Je me rends compte que mon expérience dans l’entrepreneuriat m’a ouvert des horizons que je n’aurais probablement jamais ouverts dans d’autres circonstances, notamment en matière de communication, de marketing et de design graphique. Il y a donc matière, selon moi, à croiser les points de vue et adopter une approche interdisciplinaire au sein des équipes pédagogiques.
Enfin, la dernière : il y a malheureusement, à mon sens, beaucoup trop d’influence pseudoscientifique dans ce secteur, aussi bien dans l’enseignement supérieur que dans la formation professionnelle. Je plaide donc pour l’adoption d’une démarche evidence-based. C’est-à-dire basée sur sa propre expertise en tant que praticien ou praticienne, sur le contexte et la réalité du terrain dans lequel on travaille, et aussi sur l’état de l’art au niveau scientifique.
Comment imagines-tu l’évolution du milieu de l’enseignement dans les 5 prochaines années ?
Ce n’est plus une surprise pour personne, les outils d’intelligence artificielle vont vraisemblablement challenger la notion d’enseignement ainsi que les processus d’apprentissage qui les sous-tendent. Et c’est une bonne chose ! Je suis persuadé qu’il faut les intégrer et en tirer parti, sans non plus tomber dans de l’optimisme béat.
Je remarque aussi l’importance croissante accordée aux questions de qualité de conception et d’accessibilité des contenus, dans une perspective EDI — équité, diversité, inclusion – et de conception universelle de l’apprentissage. J’espère que ce mouvement va poursuivre sur sa lancée.
On peut également constater un intérêt, au niveau européen, pour tout ce qui touche aux microcrédits (“microcredentials”). Je ne pense pas qu’ils vont remplacer de si tôt les diplômes traditionnels, mais ils vont certainement prendre de plus en plus de place. En particulier dans le domaine de la formation continue pour les adultes en reprise d’études, le tout couplé à un renforcement de la digitalisation et de l’hybridation des parcours.
Je suis toutefois assez sceptique par rapport à l’utilisation des réalités virtuelles, augmentées comme mixtes, et plus largement tout le foin qui tourne autour du “métavers”. À part quelques exceptions, et en raison du coût technologique notamment du côté du grand public, j’ai des difficultés à voir une réelle plus-value à ce stade. Mais je ne prétends pas avoir de réponse absolue et l’avenir nous dira si j’ai tort.
Quels livres, quelles personnes, quelles expériences ont façonné tes pratiques ? Pourquoi ?
Il y en a tellement… Mais je retiens particulièrement Thiagi et ses célèbres jeux-cadres qui ont constitué un point de rupture dans ma manière d’animer des activités d’apprentissage. Au niveau scientifique, je pense à des personnes telles que Steve Masson, Stanislas Dehaene, Barbara Oakley, Richard Mayer et Pooja Agarwal, qui ont fortement contribué à éclaircir ma compréhension des processus d’apprentissage.
Il y a aussi le mouvement de la psychologie positive, et particulièrement l’approche centrée sur les forces de caractère. Celle-ci m’a aidé à mieux me connaître et à m'appuyer sur mes forces, plutôt que de vouloir à tout prix compenser mes faiblesses. J’ai beaucoup utilisé cette approche en coaching et je continue à l’utiliser dans certains accompagnements, notamment parce qu’elle permet de mieux définir les contours de nos processus d’apprentissage ainsi que nos motivations personnelles.
Enfin, il y a des auteurs tels que Daniel Pink, Adam Grant, James Clear ou encore Mark Manson dont je ne rate quasiment aucun ouvrage ni aucune newsletter. Ils contribuent fortement à titiller ma curiosité ainsi qu’à faire évoluer mes réflexions et ma manière de voir le monde.
Quel est le meilleur moyen pour les lectrices et lecteurs de learnability de te contacter et de suivre tes activités ?
Mon site web centralise tout, et vous y retrouverez notamment mes articles de blog. Vous pouvez aussi directement vous abonner à ma newsletter bimensuelle et me suivre sur Twitter et LinkedIn. Au plaisir de contribuer, je l’espère, à satisfaire votre curiosité !
📕 Cinq balises pour se lancer dans l’enseignement à distance
David en a rapidement parlé dans son snapshot, mais il est le co-auteur d’un livre (gratuit et disponible en ligne) qui vient d’être publié dans la série des “Cahiers du LLL” : “Enseigner à distance : Cinq balises pour se lancer”. J'ai eu la chance de découvrir cet ouvrage en avant-première et il me tardait que la publication soit officielle pour vous la recommander ! Au programme, les auteur·rice·s vous partagent des clés de succès et des points de vigilance pour vous aider à :
Analyser le contexte de votre projet d'enseignement à distance
Poser vos choix pédagogiques fondamentaux
Apprivoiser votre environnement numérique d’enseignement
Scénariser le déroulement de vos modules
Exploiter les ressources numériques d’apprentissage
Que vous soyez novice ou aguerri en formation à distance, c'est une superbe ressource qui vous aidera à structurer votre démarche, à vous poser les bonnes questions et à faire des choix appuyés sur la recherche et l'expérience de nombreux·ses enseignant·e·s.
📄 L'éducation à l'horizon 2030 : les grands défis de notre temps en matière d'éducation
Ce document est une pépite ! Il rassemble 10 essais provocateurs de chercheur·euse·s universitaires sur les enjeux les plus importants auxquels l'éducation sera confrontée dans les prochaines années : changement climatique, sécurité géopolitique, santé mentale, intelligence artificielle, etc. Les articles soulèvent des questions difficiles sur lesquelles les décideur·euse·s politiques, les professionnel·le·s et le public doivent se pencher activement. Sans proposer de recommandations, ces essais apportent des pistes tangibles qui devraient inspirer les enseignant·e·s, les responsables de l'éducation, les décideur·euse·s politiques et toutes celles et ceux qui s'intéressent à l'éducation.
📄 La formation professionnelle traditionnelle est en train de mourir
Cette fois-ci, ce n’est plus moi qui le dis, mais la société Degreed via son nouveau rapport "How the Workforce Learns". Que ce soit pour apprendre rapidement sur un sujet d'intérêt, développer des compétences professionnelles ou suivre une formation obligatoire, les employé·e·s se tournent avant tout vers des ressources moins formelles / institutionnelles comme d’autres collègues, des vidéos, des articles en ligne, des livres, des applications mobiles, etc. Toutes ces modalités sont privilégiées par rapport aux canaux traditionnels comme la plateforme e-learning de l'entreprise, les webinaires ou les formations en présentiel. Un rapport à lire pour envisager le futur de l’apprentissage et du travail des équipes Learning & Development au sein des entreprises.
📄 La check-list pour organiser vos ateliers de design
L’une de mes principales activités, c’est la conception et l’organisation d’ateliers collaboratifs de design (stratégie, idéation, conception, etc.) pour développer des innovations pédagogiques. Si c’est aussi votre cas, cet article va vous intéresser ! Il propose une check-list qui vous aidera à préparer un atelier et à penser à tous les petits détails qui contribueront au succès de celui-ci. Cadrage de la session, sélection et gestion des participant·e·s, choix du format et préparation en conséquence, présentation et gestion de l’agenda, gestion des problèmes, etc. Il contient tout ce que vous devez savoir et ce à quoi vous devez penser pour votre prochaine session !
C’est l’outil grâce auquel je vous écris toutes les deux semaines.
C’est aussi celui qui sera l’une des pierres angulaires du nouveau projet que je mènerai avec David. Il devenait donc essentiel que je vous le partage !
La plateforme Substack est un outil tout en un pour lancer facilement une newsletter gratuite ou payante.
L’avantage principal par rapport à des plateformes de newsletters comme Mailchimp, Beehiiv ou encore MailerLite, c’est que Substack est entièrement gratuite ! Que vous envoyiez votre newsletter à 5, 500 ou 5 000 abonné·e·s, vous ne débourserez rien (contrairement aux autres plateformes). Et elle ne place même pas de la publicité dans votre newsletter !
Mais où est l’arnaque ? Il n’y en a tout simplement pas (à ma connaissance). Substack se rémunère sur les newsletters payantes : la plateforme prélève 10% de commission sur le prix de l’abonnement de votre newsletter. Simple, mais efficace !
À côté de ces considérations financières, Substack est une plateforme plutôt flexible et simple à utiliser. Pas besoin de longues heures d’apprentissage, vous créez votre newsletter en quelques clics, personnalisez son thème et vous pouvez ensuite commencer à écrire en intégrant des contenus multimédias si vous le souhaitez.
Substack offre aussi diverses fonctionnalités et outils plus avancé·e·s comme la possibilité d’héberger des podcasts, Notes – que je dois encore tester – pour publier du contenu court et faire des recommandations, son application pour permettre aux lecteurs d’avoir une interface plus agréable pour regrouper leurs newsletters, etc.
Bref, si vous souhaitez créer votre newsletter ou avez besoin d’envoyer des e-mails réguliers à des personnes, c’est l’outil qu’il vous faut !