Et si l'expertise était avant tout un savoir-être
learnability #25 · Snapshot de Lionel Meinertzhagen, Learning Strategist
Bonjour à tou·te·s 👋
Je vous écris de Calviac-en-Périgord où je passe une semaine de vacances quasi déconnecté des réseaux (à profiter des levers de soleil en regardant le Château de Fénélon).
Cette édition marque la reprise des rencontres avec des acteurs·rices de l’innovation pédagogique. Les conversations de la première saison font aujourd’hui leur retour sous un nouveau format : “Snapshot”. Ce ne sont plus de longues discussions, mais des entretiens plus courts avec des questions récurrentes posées à chaque invité·e. Mon objectif sera de vous inspirer en vous permettant d’entrer dans leur quotidien, de découvrir leur personnalité, d’explorer leur vision de la formation et d’en ressortir avec des nouvelles idées.
Pour cette première, je reçois l’un de mes complices du podcast “C’est quand la pause” : Lionel Meinertzhagen. Il a accepté de se plier à l’exercice du “Snapshot” sans modèle prédéfini et d’en façonner le canevas avec moi. Merci à lui !
Lionel a un réel goût pour l’aventure et la nouveauté : un passé de 10 ans à l’université, une expérience en institution publique, des activités indépendantes et actuellement une mission au sein d’une start-up. Derrière cet éclectisme professionnel se cachent des convictions claires et un intérêt constant pour l’innovation. Je suis ravi de vous partager cet entretien et j’ai hâte d’avoir vos retours sur son format.
Avant de vous laisser découvrir ce premier “Snapshot”, j’aimerais vous solliciter pour mon livre (et surtout pour un peu mieux vous connaître !). Sans en dévoiler les détails, il abordera la conception d’expériences d’apprentissage innovantes et engageantes – vous en doutiez ? Je suis en train de travailler sur sa structure et j’aimerais beaucoup avoir votre avis pour alimenter son contenu ✨
Il s’agit simplement de répondre à 4 questions sur votre vécu professionnel actuel en matière de conception de formations (innovantes). Si vous êtes intéressé·e, partagez-moi vos réflexions via ce court formulaire anonyme.
Je souhaitais aussi vous remercier pour vos retours à propos de l’édition précédente ! Elle a été partagée, commentée et discutée. Tout cela alimente mes réflexions pour le livre !
Bonne lecture et bonne semaine,
Nicolas.
Temps de lecture : 7 minutes
Notre rencontre remonte au 13 janvier 2012 en message privé sur Twitter. Depuis, on ne s’est plus quittés. Dans la vie professionnelle comme personnelle, on enchaîne les projets de petite et grande ampleur.
Lionel a un parcours professionnel éclectique : chercheur en didactique, conseiller techno-pédagogique, chef de projet IT & Learning, expert Learning & Development et aujourd’hui Learning Strategist. Derrière tous ces termes, il partage une seule ambition : fabriquer des expériences de formation innovantes et adaptées aux apprenants.
Dans ce nouveau format des “Snapshot”, vous allez découvrir son parcours, ses habitudes de travail et ses réflexions sur le monde de l'enseignement et de la formation.
Salut Lionel ! Merci beaucoup d’avoir accepté de te prêter à cet exercice des “snapshot” ! Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?
Je suis Bruxellois de souche : j’y suis né, j’y ai grandi, j’y ai fait mes études, j’y ai toujours travaillé et j’y habite encore, à Schaerbeek.
Je suis un gars plutôt simple et authentique, taiseux, calme mais sociable. Certains me trouveront lent, satisfait de peu, du normal, de l’ordinaire. Ce n’est pas faux.
J’ai 36 ans, je suis en couple avec Sarah depuis plus d’un tiers et père de Sappho depuis trois ans (et demi !).
Qu’est-ce qui t’a amené au monde de l’enseignement et, ensuite, de la formation ?
Le monde de l’enseignement lui-même.
Durant mes études en langues romanes, je me suis assez rapidement rendu compte qu’il allait falloir miser sur la sécurité d’emploi plutôt que sur l’aubaine. J’ai suivi une finalité didactique en vue de pouvoir, “au pire”, enseigner. Assez paradoxalement, ce titre me permettait de devenir professeur de français à un niveau où le cours était axé sur la littérature et l’argumentation, alors que c’était la linguistique, et même la grammaire, qui m’intéressaient. Pourtant, ces matières étaient reléguées dans les petites classes.
Ce gout pour la langue m’a tout de même permis d’embarquer sur un projet de recherche en didactique de la grammaire dès le lendemain de ma maitrise. C’est un projet qui m’a occupé pendant près de 8 ans. Ce fut l’occasion de m’intéresser de très près aux processus d’acquisition, à la déconstruction des normes, aux développements d’outils pédagogiques et d’approches nouvelles, parfois innovantes.
J’ai ensuite rejoint, pour quelques belles années, la cellule d’accompagnement et d’innovation ULB Podcast que tu as dirigée (devenu CAP) et ensuite la formation continue de l’ULB.
Par curiosité, j’ai choisi, il y a deux ans, de quitter le monde académique. J’ai créé ma boite de consultance dans le domaine (Numérisme). Je suis passé par la SNCB, le Forem et, maintenant, myskillcamp, comme Learning Strategy Manager.
Comment expliques-tu ce que tu fais à un·e inconnu·e qui te le demande lors d’une soirée ?
Ça dépend qui et à quel moment de la soirée 🤓
Je dirais que je veille à ce que la formation ne soit pas qu’un amas de contenus à suivre obligatoirement, mais le fruit d’une réflexion stratégique et pédagogique afin de la rendre engageante, adaptée, innovante, dynamique et en constante évolution.
À quoi ressemble une journée de travail typique ?
Lever à 7h, préparatifs matinaux, départ à 8h pour déposer Sappho à l’école puis arrivée au bureau que je loue à proximité.
La journée comprend deux heures de réunions, une heure ou deux de communications diverses et le reste de travail de fond.
Ensuite, je passe chercher le monstre et la soirée tourne fort autour d’elle jusqu’à son coucher. Je m’octroie (trop) peu de place pour sortir de cette routine.
À quoi ressemble ton espace de travail ?
J’ai la chance d’être seul, dans un bureau assez spacieux, au 6e étage, lumineux et avec une vue plutôt dégagée.
Il y a deux grandes tables. L’une chargée avec deux écrans 28 pouces, un Mac mini M1, une table de mixage Rodecaster pour les enregistrements de podcast et des enceintes Razer nommo pour l’ambiance musicale. L’autre, dépouillée, plutôt pour la concentration, les travaux sans écrans et déconnectés.
Dans un coin, que j’aimerais solliciter plus, un fauteuil confortable pour lire ou faire la sieste. J’aimerais tant pouvoir caser l’un et l’autre dans mes journées !
Deux plantes, de la déco faite de cartes, photos et œuvres de Sappho.
Quand j’allume l’ordi, c’est parti pour les notifications Slack, mail, Fantastical, Meet… qui ne s’arrêteront qu’en fin de journée. J’utilise beaucoup Notion aussi tant de manière collaborative avec le reste de la boite, que pour de la gestion documentaire perso. Sinon Todoist, que je sous-exploite pour les tâches.
Il y a aussi ma passion pour la papeterie : sous-main, calendrier “Appointed”, bloc to do “Redopapers”, fiches “Foglietto”, stylo à bille Caran d’Ache,… mais je n’arrive pas suffisamment, à mon gout, à réintroduire le papier dans ma pratique. Si seulement j’arrivais à prendre notes autrement qu’en gribouillant !
Pour les amateurs, Lundi, une chouette papeterie bruxelloise va lancer son e-shop sous peu.
Pourrais-tu décrire ton processus de travail ?
Ça dépend du type de projet, mais j’avance la plupart du temps de façon peu formalisée. D’abord en identifiant les bonnes personnes à embarquer pour clarifier avec elles ma compréhension du besoin. Je schématise ensuite sur papier sous une forme très libre : données temporelles, noms, liens, formes… Très vite, j’expérimente les premières idées, juste pour mesurer la faisabilité (technique, temps requis, ressources utiles) puis je fonctionne par itérations courtes, de façon très agile… et un peu désordonnée.
Quels sont les challenges pédagogiques auxquels tu fais face ?
Autant je maitrisais bien les technologies et les modalités pédagogiques jusqu’à ces dernières années, autant ce qui se profile à travers mes activités sort peu à peu de mon domaine de compétences et convoque des connaissances techniques approfondies en design ou codage.
Et je trouve aussi ça compliqué de conseiller un développement via un outil dont on ne connaît pas vraiment les rouages, sur lequel on a peu de prise… et au prix exorbitant : AR/VR, Immersive/Metaverse, Adaptatif.
Pour autant, il faut réussir à sauter dans le train en marche… J’ai l’impression d’être vieux quand j’écris ça :)
De quelle innovation pédagogique es-tu le plus fier ?
La coopération au développement m’a apporté beaucoup. J’ai eu la chance de participer à deux projets visant à favoriser l’accès à la formation dans des zones à nombreuses contraintes périphériques.
Le premier, pour Haïti visait à élaborer des dispositifs de formation professionnelle en ligne et hybrides, compatibles avec un téléphone mobile et accessibles hors-ligne, sans pour autant sacrifier interactivité et communauté. Le défi – donc l’intérêt – n’était pas seulement technique, il résidait aussi dans la compréhension du contexte, des besoins spécifiques et des pratiques des acteurs.
Le second, plus vaste, dans le cadre d’un Erasmus+, impliquait des partenaires français, belges, grecs, sénégalais et camerounais pour un partage de compétences en matière d’ingénierie pédagogique et l’installation de studios de production de MOOC dans 6 universités (3 au Sénégal, 3 au Cameroun). Là encore, l’occasion de travailler avec de nombreux experts, d’élaborer des formations à distance, des stages, des rencontres sur place… Bref de côtoyer des réalités, des personnalités, qui sortent de mon quotidien et de contribuer à un mieux (se) former.
Qu’est-ce que tu penses avoir compris sur le milieu de la formation que peu de gens semblent avoir compris ?
À titre personnel, j’ai tendance à miser beaucoup sur le relationnel et la sortie du cadre : il faut bien s’entendre, bien se comprendre, et pouvoir s’élever ensemble.
Il est utile de toujours repartir d’une page blanche, une schématisation globale, même si l’intervention est localisée, précisément pour vérifier et valider le cadre, éventuellement identifier les parois plus flexibles, les espaces restants.
Comment imagines-tu l’évolution du milieu de la formation dans les cinq prochaines années ?
J’imagine une division de plus en plus importante entre les acteurs de l’enseignement et de la formation. Certains toujours aux prises avec les problématiques d’aujourd’hui (enfermement dans un écosystème applicatif, contraintes réglementaires, déphasage entre offre et besoin), d’autres évoluant de manière plus “agile” et intégrée (parce qu’aidé par une technologie maitrisée et devenue aboutie).
Quels livres, quelles personnes, quelles expériences ont façonné tes pratiques ?
J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur le développement et l’acquisition de la langue qui m’ont fait relativiser le diktat des curriculums scolaires : non, ce n’est pas parce qu’il y a un programme qu’il est adapté à ceux à qui il s’adresse. La plupart du temps, il est exigé de maîtriser des concepts, des compétences, pour lesquels, en termes de développement, l’individu n’est pas prêt. Voyez les bouquins de Broca, Olson, Bruner.
Aujourd’hui, de manière générale, je lis assez peu, trop peu. Essentiellement de la non-fiction, plutôt des ouvrages critiques, qui abordent une dimension sociétale ou qui intègrent une importante dimension visuelle. D’autres encore sur le monde de la formation et le design thinking. Je pense, par exemple, aux ouvrages d’Oliver Caviglioli, à des bouquins comme le Kit du Design Thinking.
Quel est le meilleur moyen pour les lectrices et lecteurs de learnability de te contacter et de suivre tes activités ?
Je me mets peu en scène et ai tendance à ne pas partager davantage. Je devrais… Plutôt que de me plaindre des bêtises que je lis !
À ce stade, je suis actif et joignable essentiellement via Linkedin et Twitter.
Une curation – non exhaustive – d'offres d'emploi de responsable de formation, concepteur·rice d’expériences d’apprentissage, conseiller·e (techno-)pédagogique, etc.
Bibliothèques Sans Frontières recherche un·e responsable création de contenus [Montreuil (France) et Bruxelles (Belgique) · CDI · Temps plein]
Very Up recherche un·e consultant.e Project Manager [Paris (France) · CDI · Temps plein]
Believe recherche un·e Learning & Development Senior Manager [Paris / À distance · CDI · Temps plein] et Learning & Development Director [Paris / À distance · CDI · Temps plein]
Lucca recherche un·e Learning & Development Specialist [Paris · CDI · Temps plein]
Opendatasoft recherche un·e Learning Program Manager [Paris / À distance · CDI · Temps plein]
Aidez-moi à enrichir cette curation en proposant des offres d’emploi intéressantes : job@learnability.news
🎧 La formation sans… Les meilleurs ingrédients des invités de la saison 1
Promis, je ne vais pas (plus?) vous spammer lors de chaque sortie d’épisode de notre podcast “C’est quand la pause ?” Ce sera uniquement pour quelques épisodes précis, donc je vous invite à vous abonner. Pour cette édition de rentrée, nous vous proposons 4 épisodes en 1 ! Nous avons discuté des composantes essentielles des formations à partir des propositions des intervenants de la première saison. Avez-vous déjà pensé à former sans… Scénariser ? Définir les objectifs de l’apprenant·e ? S’adapter à ses besoins ? Mesurer l’impact de votre formation ? Nous prenons le temps d'analyser ces différents ingrédients pour un retour en douceur et dans la bonne humeur.
📑 Concevoir une formation à distance ne s’improvise pas !
Plusieurs personnes m’ont beaucoup influencé dans le milieu de la recherche scientifique. Parmi elles, France Henri fait partie des plus importantes. Elle a marqué l’essor de la pédagogie de l’enseignement supérieur à distance par des recherches sur l’apprentissage collaboratif, la scénarisation pédagogique ou encore les environnements personnels d’apprentissage. Dans cet article, elle s’entretient avec Bernadette Charlier, professeur à l’Université de Fribourg, sur plusieurs questions fondamentales : Apprendre seul à distance, comment est-ce possible ? Quelle pratique, quelle méthode pour concevoir une formation à distance ? Pour l’établissement, comment faire vivre des cours à distance de qualité ? Comment assurer la pertinence sociale de la formation ? Une discussion réellement inspirante et pleine de références !
🎧 La notif’… Le podcast qui lie le numérique, la société et la pédagogie
Il n’y a pas que “C’est quand la pause ?” pour combler vos oreilles ! L’eduLAB vient de lancer son propre podcast : deux fois par mois, les animateurs·rices sont accompagné·e·s d'un ou une experte sur une thématique qui lie le numérique, la société et la pédagogie. Le premier épisode s’intéresse à l’erreur comme outil pédagogique en invitant Bruno Humbeeck. Bonne écoute !
🗓 Une demi-journée pour réfléchir à la pédagogie active dans l’enseignement supérieur
À l’occasion de la sortie de l’ouvrage "Pédagogie active dans l’enseignement supérieur", l’AIPU Belgique propose une demi-journée de réflexion sur cette question. Le 13 octobre 2022 à l’EPHEC (Bruxelles), vous pourrez découvrir des pratiques pédagogiques innovantes décrites et analysées par leurs créateurs·rices et créatrices. En parallèle, une réflexion sera menée sur les façons de changer en profondeur les modèles pédagogiques de l’enseignement supérieur pour viser un apprentissage plus efficace et adapté aux défis sociétaux actuels.
📊 Le baromètre (belge) de l’inclusion numérique
Le baromètre de l’inclusion numérique permet de mesurer l'ampleur des fractures numériques en Belgique. En 2020, il permettait d’observer que de nombreuses personnes ne bénéficiaient pas des possibilités offertes par le numérique, entravant ainsi leur accès à certains droits sociaux – comme l’éducation ou les soins de santé. Cette nouvelle édition révèle la numérisation accrue de la société depuis la crise sanitaire : plus que jamais, les citoyen·ne·s ont accès au numérique et utilisent des services digitaux. Toutefois, cela ne se traduit pas par une augmentation des compétences numériques. Les personnes vulnérables sur le plan socio-économique et culturel bénéficient moins de la numérisation croissante que les personnes privilégiées. Le rapport décrit la situation actuelle et permet de comprendre ces inégalités numériques en Belgique, comme le défi qu’elles représentent pour la société.
Figma pour prototyper vos parcours pédagogiques en ligne
Figma est un logiciel de conception d’interfaces graphiques d’applications mobiles et de sites web.
Vous avez peut-être entendu parler de l’outil la semaine dernière ; la société a été achetée 20 milliards de dollars par Adobe.
Je dois utiliser à peine 30% des fonctionnalités de l’outil, mais il n’en est pas moins essentiel à mes yeux. Il permet de créer des prototypes d’interfaces en quelques heures, et de les tester ensuite auprès d’utilisateurs·rices qui ont l’impression d’évoluer sur une réelle plateforme. Je l’utilise dans la plupart des ateliers de co-conception pour très vite proposer des rendus finaux suite à des sessions d’idéation.
À côté de cette fonction, Figma est surtout utile en phase de production. Toutes les chartes graphiques ou banques d’éléments visuels de Caféine.Studio sont maintenant réalisées sur l’outil, car sa simplicité d’utilisation permet à toute personne de très vite le prendre en main – et notamment nos client·e·s. Il permet également de travailler à plusieurs et en même temps sur un projet, ce qui nous facilite le travail de conception, voire de prototypage avec plusieurs graphistes lors des ateliers.
Dans mon quotidien, Figma remplace aussi d’autres logiciels plus gourmands pour des tâches graphiques simples, comme l’élaboration des bannières ou des éléments visuels de cette newsletter.
Figma est accessible depuis tous les navigateurs. Il existe également une version bureau pour macOS et Windows, ainsi qu’une solution de visualisation des design (Figma Mirror) pour iOS et Android.
Figma est gratuit jusqu’à 3 fichiers et coûte ensuite 12 dollars par mois. Par contre, il reste entièrement gratuit pour les enseignant·e·s et les étudiant·e·s.