Bonjour à tou·te·s 👋
Merci à toutes celles et ceux qui m’ont écrit suite à l’édition précédente. Même si le sujet sortait quelque peu de la ligne éditoriale habituelle, vous avez été nombreux·ses à me partager vos difficultés en matière de gestion du temps et vos techniques personnelles pour les affronter. Je suis heureux d'avoir constaté que ces quelques conseils ont réellement aidé certains d'entre vous à retrouver de la sérénité. Merci aussi au Service de Soutien à l’Enseignement de l’Université de Sherbrooke d’avoir partagé cette édition.
Je suis toujours à Lisbonne (jusqu’au 28 avril). Je passe mes journées à travailler (au soleil), les soirées à rencontrer des gens et les week-ends à explorer la ville. J’ai eu des conversations passionnantes avec différentes personnes de passage – plus ou moins long – dans la ville : Valentin Decker, Alexis Minchella, Camille Blanchod, Eliott Meunier, Alan Péron, Hugo Betelu, etc. On a parlé d’expériences d’apprentissage – et certaines discussions ont été enregistrées –, de création de contenu, de stoïcisme, de gestion du temps, de l’importance des relations, de santé mentale, etc. Je vais probablement créer un endroit, en dehors de cette newsletter, pour consigner et partager une série de notes et de réflexions.
En attendant, je vous propose d’explorer une dimension peu évoquée dans le champ de la conception des formations : le tone of voice et son influence sur l’engagement des participant·e·s dans les formations. De quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi est-il important en formation ? Comment développer votre tone of voice ? Je vous dis tout dans cette édition !
✊ L’article de cette semaine est – principalement – écrit au féminin. Pour rappel, si j’opte pour une écriture inclusive dans mon édito et dans la partie “Inspiration”, j’ai choisi qu’un article long format sur deux serait écrit au féminin. L’idée est de simplifier la lecture, tout en conservant des considérations sociales et politiques qui me sont chères.
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Temps de lecture : 7 minutes
Ce vendredi, j’ai demandé sur Twitter si certaines d’entre vous avaient déjà travaillé sur le tone of voice de leur formation. Le résultat était sans appel – même si non représentatif vu le nombre de répondantes. Il y avait donc matière à rédiger un article !
Dans un cours comme dans une formation, et encore plus en ligne, le langage – écrit et oral – influence particulièrement l’engagement des participantes.
S’il existe de nombreuses ressources sur les manières de parler – en présentiel – devant un groupe ou de rédiger des supports pédagogiques, la notion d’identité de formation, au sens d’identité de marque, n’est que très rarement abordée.
Pourtant, la façon de s’exprimer de la formatrice est l’une des clés de la motivation et de la persévérance des apprenantes dans les formations en ligne. Qui plus est, dans un marché de la formation qui devient de plus en plus concurrentiel, cette identité peut se révéler être un réel élément de différenciation.
Dans cet article, nous allons découvrir la notion de tone of voice – terme issu du marketing, difficile à traduire en français – à travers différents exemples. Je vous partagerai également des conseils pour élaborer le vôtre.
Le tone of voice, qu’est-ce que c’est ?
Le langage, le rythme ou encore le style du discours d’une formatrice ou d’une enseignante a son importance. Il donne des signes sur la manière dont elle se définit et influence ce que les participantes penseront d’elle comme de la formation.
Comparons les vidéos de présentation de deux formations en ligne sur le storytelling. Quelles différences observez-vous dans le discours des enseignantes ?
“The Future Of Storytelling” de l’Université de Potsdam
“The Art of Storytelling” de la plateforme MasterClass
Dans la vidéo de l’Université de Postdam, le discours de la formatrice fait appel à différents éléments pour donner un ton détendu : l’humour, l’enthousiasme, les questions pour interpeller ou encore la musique pop rock. Les propos sont également plus inclusifs et centrés sur une volonté d’amener les apprenantes à participer : “Nous sommes ici aujourd’hui pour vous inviter à nous rejoindre afin de créer ensemble un cours en ligne ouvert et massif”.
Dans la vidéo de la plateforme MasterClass, le ton du formateur est beaucoup plus sérieux, formel et structuré. La musique appuie ce sentiment. Neil Gaiman adopte une approche de professeur : “Dans mon cours, je vais vous dire ce qui caractérise les histoires. Je vais vous donner des conseils. Je vais vous permettre de vous exercer. Je vais vous donner l’élan que vous n’avez peut-être pas eu jusqu’ici.”
Cette dimension d’expertise se ressent également dans l’identité visuelle de la vidéo : Neil Gaiman est filmé avec des plans fixes devant une bibliothèque. Il porte une chemise et utilise ses lunettes à certains moments. Un ensemble d’éléments qui renforce la perception de sérieux.
À l’inverse, Christina Maria Schollerer est filmée à l’extérieur, au soleil, avec des plans en mouvement. Les éléments graphiques sont écrits à la main, et la réalisation est plus dynamique.
Aucune de ces vidéos n'est meilleure que l'autre. Chacune d’elles génère une perception différente de la formation à laquelle l’apprenante pourrait s’inscrire. Dans celle de Masterclass, le formateur se place dans une posture d’expert et donne un rôle plutôt passif aux participantes – c’est une masterclass, d’où le nom de la plateforme. Dans l’exemple de l’Université de Postdam, la formatrice prend le point de vue de la participante et crée une dynamique d’engagement – c’est un MOOC, participatif et interactif.
Vous avez là une illustration de ce fameux tone of voice. Il s’agit de la façon de communiquer d’une formatrice dans tous les médias d’un dispositif de formation.
Cette identité, à la fois écrite et verbale, va influencer la perception des participantes, leur décision de s’inscrire et leur persévérance dans la formation. Ce tone of voice représente la personnalité et les valeurs de la formatrice, et plus largement celles de la formation.
Comme le montrent les exemples ci-dessous, le tone of voice concerne l’ensemble du contenu produit et diffusé : discours en présence, discours dans les vidéos, consignes avant un exercice, feedback sur une activité, messages envoyés dans les forums ou communautés, courriels de suivi, etc.
Pourquoi définir le tone of voice de ma formation ?
Cette notion de tone of voice n’est que très rarement abordée dans l’ingénierie pédagogique des dispositifs de formation.
Faisons un détour par le domaine du marketing où cette identité langagière est particulièrement utilisée par les marques pour atteindre divers objectifs :
Créer un lien émotionnel avec le public : une personne attachée émotionnellement à une marque ou à un produit – parce qu’elle a l’impression que la marque se soucie d’elle – aura tendance à le consommer plus souvent.
Instaurer un climat de confiance : cette confiance s’établit sur la base de valeurs communes entre une personne et une marque, ce qui démontre l’importance de mettre en avant celles-ci.
Créer une image mémorable : un produit dont on se souvient est un produit vers lequel on retournera.
Il n’est pas difficile d’appliquer ces objectifs dits “marketing” à ceux d’une formatrice qui souhaiterait créer un engagement affectif avec ses apprenantes.
Au-delà de cette dimension, le tone of voice peut également influencer l’engagement comportemental, cognitif et la persévérance des participantes.
Comment ? En agissant sur les sources motivationnelles des participantes. Rolland Viau (2009) a défini quatre piliers qui soutiennent la motivation des apprenantes et contribuent à donner du sens aux expériences d’apprentissage qu’elles vivent :
Le sentiment de compétence, c’est-à-dire la compétence que les participantes éprouvent à l’égard d’activités pédagogiques ou situations d’apprentissage : le recours aux défis par la formatrice, des consignes claires, des encouragements, un niveau approprié, etc.
La perception de valeur qu’elles attribuent à ces activités ou situations : l’usage de tâches concrètes par la formatrice, d’objectifs explicites, d’activités signifiantes, de contenus pertinents, etc.
Le sentiment de contrôle que les apprenantes peuvent exercer sur ces activités ou situations : la liberté d’action, l’expérimentation, la flexibilité du dispositif, etc.
Le sentiment de plaisir qu’elles ressentent durant ces activités ou situations : une bonne ambiance, des activités ludiques, des tâches variées, etc.
Développer un tone of voice qui contribue à alimenter ces différentes sources motivationnelles est ainsi l’un des ingrédients d’expériences d’apprentissage mémorables pour les apprenantes.
Reprenons les exemples ci-dessus :
Dans la vidéo “The Future Of Storytelling” de l’Université de Potsdam, le tone of voice soutient en priorité le sentiment de plaisir : l’ensemble du discours – comme la production – laisse penser qu’il s’agira d’une expérience amusante, ludique et enrichissante. Néanmoins, ce n’est pas au détriment de la perception de valeur : malgré le ton cool, Christina Maria Schollerer présente une méthodologie précise et rassure même sur le “niveau universitaire” de la formation. Le sentiment de compétence est lui soutenu par les différentes questions lancées aux potentielles participantes tout au long du discours ainsi que l’ouverture de la formation à de nombreux publics (intéressés eux-mêmes par différents médias). Enfin, le sentiment de contrôle est généré par la dimension d’expérimentation proposée à travers le MOOC, permettant à toute apprenante de venir y chercher ce qu’elle recherche.
Dans la vidéo “The Art of Storytelling” de la plateforme MasterClass, le tone of voice sérieux et la réalisation donnent un sentiment de valeur important à la potentielle participante : vivre une masterclass avec Neil Gaiman. Ce sentiment est renforcé par la posture d’expert, le détail de l’expérience du formateur et la méthodologie décrite. Toutefois, Neil Gaiman travaille également le sentiment de compétence, à l’instar de l’exemple précédent, en laissant penser que tout le monde peut y arriver : “Vous êtes brillant… Vous allez péter des flammes”. Le discours appuie également sur la dimension ludique et les activités variées proposées dans le cours (sentiment de plaisir). Enfin, le tone of voice soutient le fait que chacun pourra utiliser les apports du cours pour créer sa propre histoire (sentiment de liberté).
Comment définir votre tone of voice ?
Il y a une série d’étapes préliminaires importantes sur lesquelles je reviendrai dans d’autres éditions : la nécessité de connaître votre public cible et ses caractéristiques – par l’intermédiaire de l’élaboration de personas –, l’importance de définir la vision et les valeurs de votre dispositif de formation ainsi qu’une auto-évaluation éventuelle de vos pratiques actuelles de communication au sein de votre/vos formation(s).
Se positionner sur les dimensions du tone of voice
Pour une première approche du tone of voice, je vous conseille de définir votre position sur les quatre dimensions proposées par Nielsen Norman Group.
Amusant vs Sérieux : l’humour et l’amusement donnent de bons résultats en termes d’engagement, mais ils sont difficiles à manier et peuvent rapidement créer un sentiment de manque de professionnalisme. Le langage sérieux renforce la confiance et la crédibilité envers vous. Néanmoins, il peut entraîner un manque de personnalité et d'émotions, et donne même parfois un sentiment de tension.
Formel vs Détendu : le langage formel crée un sentiment de professionnalisme et d’autorité, mais peut entraîner un côté impersonnel. En revanche, un langage détendu peut donner une impression de proximité et de convivialité qui fait défaut au langage formel, mais il peut laisser croire à l’apprenant que vous manquez d’expérience.
Respectueux vs Irrévérencieux : un langage respectueux donne un sentiment de convivialité et de cordialité. Mais un ton trop respectueux, surtout utilisé à des moments inopportuns, peut donner l'impression que vous essayez d’en faire trop pour l’apprenant. Un ton irrévérencieux montre votre confiance en vous, voire votre connaissance du sujet, mais il peut vite dérouter l’apprenant.
Enthousiaste vs Factuel : un ton enthousiaste donne un sentiment d'amabilité et de serviabilité, mais utilisé à des moments inappropriés, il peut fatiguer ou irriter un apprenant. Un langage factuel donne un sentiment d'honnêteté et de simplicité. Il peut toutefois être perçu comme de l'indifférence, de la froideur et un manque de personnalité.
Définir les premières caractéristiques
Après vous être situé sur ces quatre dimensions, affinez votre positionnement en élaborant une série de caractéristiques plus spécifiques, comme “ludique”, “scientifique”, “engageant”, etc.
Dans un premier temps, privilégiez la quantité plutôt que la qualité. Sortez un maximum de caractéristiques. Ensuite, commencez à les catégoriser et à les prioriser. En moyenne, gardez quatre à six caractéristiques.
Créer votre tableau de tone of voice
Vous allez combiner toutes vos caractéristiques en un seul tableau.
Dans la première colonne, indiquez les caractéristiques.
Ensuite, décrivez chacune d’entre elles en détail.
Vous aurez ensuite à donner des consignes pour ce qui sera à faire ou, au contraire, à éviter.
En complétant ce tableau et en l’améliorant lors de l’écriture de vos premières ressources, vous allez obtenir un tone of voice spécifique à votre formation.
En guise d’illustration, voici un extrait du document définissant l’identité pédagogique de la formation des secouristes en milieu professionnel de la Croix-Rouge de Belgique. Vous y trouvez la description et les transpositions concrètes de la caractéristique “être rassurant·e” du tone of voice.
La formation sans… Budget
“C’est quand la pause ?”, c’est le podcast qui analyse le monde de la formation en omettant délibérément un de ses ingrédients essentiels. Avez-vous déjà imaginé une formation sans formateur, sans budget, sans PowerPoint ou sans thématique ?
Saviez-vous que le budget était le deuxième frein principal à la formation des salarié·e·s ?
Dans cet épisode, nous abordons le budget des formations : quels sont les coûts principaux ? Comment les réduire ? Quelles sont les dépenses cachées/indirectes ? Est-ce que le digital coûte moins cher que le présentiel ? Quelles modalités sont les moins onéreuses ?
Autant de questions pour répondre à la question : former sans budget, est-ce possible ?
📚 Ressources
📘 Arrêtez d'oublier ce que vous lisez ! [FR]
Je l’ai recommandé dans le dernier épisode du podcast. J’en fais de même ici ! Dans ce livre, Eliott Meunier partage la manière de se créer un second cerveau numérique, car comme il l’explique : “prendre des notes ça prend du temps, mais ne pas en prendre c'est perdre son temps !” Le livre vous propose un système simple pour prendre des notes, stocker vos connaissances et faire émerger de nouvelles idées.
✉️ Quels seront les masters de demain dans nos universités ? [FR]
Noémie Aubron a exploré l’évolution de l’offre de l’enseignement supérieur dans la dernière édition de sa newsletter. Pour elle, les nouveaux masters permettent de comprendre ce qui est train de changer dans les aspirations des jeunes, les centres d’intérêt des professeurs et les compétences de demain. Découvrez ainsi le “Master Boire, Manger, Vivre” de l’IEP de Lille, “Life Design Lab” de Standford ou le “Master Strategy and Design for the Anthropocène” de l’ESC Clermont.
📄 Comment rédiger des QCM efficaces ? [FR]
Les questions à choix multiples sont souvent perçues comme beaucoup plus simples à concevoir que d’autres formats d’évaluation. Pourtant, rédiger des QCM efficaces nécessite d’élaborer un énoncé clair, des propositions (correctes comme fausses) cohérentes par rapport aux objectifs d’apprentissage ainsi que des explications pertinentes en fonction de la réponse choisie. Ce guide vous accompagne dans la conception de QCM pour évaluer le niveau de maîtrise de vos apprenant·e·s et les aider à progresser en autonomie. Une ressource à lire absolument !
👨💻 L’outil
Setapp est tout simplement le Netflix des logiciels sur Mac et iPhone – Oui, j’ai utilisé cette description 🤓
Il s’agit d’un abonnement unique qui vous offre un accès direct et illimité à une sélection de logiciels pour Mac et iPhone. La bibliothèque est plutôt vaste (plus de 230 applications) et couvre de nombreuses catégories : productivité, finance personnelle, entretien, enseignement, créativité, etc.
Setapp dispose d’une application, proche du fonctionnement du Mac App Store, pour faciliter la recherche des logiciels dont vous avez besoin. Vous pouvez les installer et les désinstaller d’un simple clic.
Aujourd’hui, j’utilise quotidiennement plusieurs outils de la suite Setapp :
Bartender : une extension pour garder ordonnée votre barre des menus.
Clean My Mac : le logiciel pour optimiser votre Mac et supprimer ses fichiers.
Cleanshot : de loin, le meilleur outil de capture d’écran.
Lungo : gardez votre Mac éveillé.
Mindnode : mon outil de carte heuristique préféré.
Mosaic : la gestion des fenêtres à portée de raccourci clavier.
Ulysses : mon application de rédaction favorite.
L’abonnement est à 9,99 $US/mois avec une réduction de 50% pour l’enseignement.
Vous pouvez utiliser l’application pendant une période d’essai de 7 jours.
Vous recevrez un mois gratuit en utilisant le lien ci-dessous.
Bonjour Nicolas, la newsletter #17 est brillantissime, je vous remercie pour ce travail profond et de qualité. De plus j'aime beaucoup vos podcasts, j'ai pris beaucoup de plaisir à écouter les deux premiers épisodes. Et je vous remercie également de m'avoir donner envie de m'inscrire à la formation de Valentin Decker que je commence en mai. Du coup si je résume un grand merci du fond du cœur :-) Enjoy !
Bravo pour cet article sur le Tone of Voice du formateur. On demande trop souvent aux formateurs de respecter un contenu et de faire "avec leur style". C'est réducteur. C'est cette alchimie que tu décris si bien. Bon séjour à Lisbonne et bonjour à Valentin si tu le croises de nouveau.